Les pionnières du châabi

Les pionnières du châabi

E n 2013, Mourad Achour lançait Châabi au féminin, un groupe de chanteuses prêtes à s’emparer de ce genre très masculin. Depuis, la formation a fait du chemin. Et gagner ses galons auprès du public…

Qui a dit que le Châabi était une affaire d’hommes. Depuis qu’il a lancé son groupe, châabi au féminin, Mourad Achour a bien prouvé le contraire.  Issu des chants panégyriques « Medh » chantés par Hadj M’hamed El Anka, au début du XXe siècle, le châabi reste traditionnellement associé aux hommes. Mais, c’est bien connu, l’art est vivant. Il évolue. Pas étonnant alors de voir éclore d’audacieux projets comme celui de Mourad Achour.

« L’idée m’est venue alors que je recherchais une femme pour chanter le châabi à Paris, » se rappelle t’il, le ton enjoué. Alors directeur artistique de soirée châabi pour la saison 2012-2013, l’idée de fonder un groupe féminin germe. « En quelques semaines, la réalité prend forme. » L’aventure est réellement lancée en mai 2013. « Le résultat, c’est un premier beau spectacle de femmes chantant le châabi, » s’enthousiasme-t-il. Une première. La formation réinvente à sa façon le genre musical tout en rendant hommage à l’ensemble de ses artistes.

Des femmes amoureuses du châabi

Et si Châabi au féminin poursuit son chemin, c’est aussi que le fondateur a su miser sur les bons profils. « Nous avons six charmantes femmes aux voix différentes et sensuelles », résume Mourad Achour. Si certaines sont recrutées dans des écoles andalouses, toutes n’ont pas suivi de formation académique. Mais les six chanteuses ont un lien personnel avec le châabi. « Les chanteuses ont  une histoire de près ou de loin avec cette musique. » Ainsi, Syrine Benmoussa, Malya Saadi ou encore Amina Karadja avaient déjà chanté le châabi durant leur carrière. De leurs côtés, Hind Abdellali a décroché un prix lors d’un festival de châabi, Nacera Mesbah fut choriste pour l’artiste Takfarinas. Enfin, Hassina Smaïl a toujours affectionné le genre. L’amour du châabi comme fil d’Ariane.

Des passionnées prêtes à casser les murs pour faire rayonner Châabi au féminin. D’autant que les obstacles ne sont pas virtuels. D’abord financier. « J’ai bâti ce projet avec 0 euros, sans aucune subvention », confie-t-il. « Je vous laisse imaginer les difficultés surmontées pour se produire, répéter et s’organiser avec 12 personnes… » Un pari fou que l’excellent accueil du public achève d’effacer. « Nous avons toujours été salué par les spectateurs, sans parler des longues standing-ovation », se réjouit Mourad Achour.

Construire une crédibilité

Une reconnaissance critique qui permet aussi d’asseoir une forme de légitimité tant le châabi sonne comme une musique faite par et pour les hommes. Au-delà de la dimension artistique, Châabi au féminin permet-il aussi de changer les mentalités? Mourad Achour, humble, est plus nuancé. « Je ne sais pas si je vais pouvoir changer les mentalités mais j’essaye d’y contribuer. Pour autant, je n’ai nullement la prétention de faire une révolution. »

Créée dans les années 1925, cette musique a été exclusivement un art masculin. « Si des chanteuses ont tenté des incursions, aucune n’a réussi à percer, » déplore Mourad Achour. Plus problématique, le châabi rime avec voix masculine. « Les auditeurs sont conditionnés à ces voix et refusent l’idée qu’une femme le reprenne. Ils parlent d’un état d’esprit masculin mais ils oublient d’admettre la sensibilité et la sensualité des textes pourtant déclamés par des hommes. » Et si sur les réseaux sociaux, des adeptes restent attachés aux maîtres du Châabi, gage d’authenticité, Châabi au féminin prend son envol.

Nadia Henni-Moulaï

#N1 Djazair Magazine #CesFemmesQuiFontL’Algérie

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