La diaspora, une puissance financière ?

La diaspora, une puissance financière ?

L es potentialités financières de la diaspora sont considérables, représentant quelque 30 milliards de dollars, soit la moitié des exportations annuelles de pétrole, a souligné Smaïl Goumeziane lors d’une conférence organisée à Paris par le club Emergences sur le thème de « Pour sortir de la crise, quel rôle pour la diaspora ? »

Après une analyse de  la crise algérienne que «l’on a tendance à réduire à celle du pétrole», alors que cette crise est «structurelle, profonde, large et durable», adossée à «un système autoritaire et rentier qui bloque toute initiative en termes de citoyenneté et de démocratie», l’ancien ministre du Commerce s’est attaché à analyser les caractéristiques de la diaspora algérienne, son évolution au  fil du temps, ses atouts et potentialités, ainsi que ses faiblesses.

Aussi, le conférencier affirme que la diaspora algérienne se distingue, d’une part par «des compétences avérées de très  haut niveau dans le domaine scientifique, de la recherche et de l’économie». D’autre part, «ses potentialités financières sont considérables, représentant quelque 30 milliards de dollars, soit la moitié des exportations annuelles de pétrole». Et à titre d’exemple, de rappeler que si la France investit 250 millions d’euros par an en Algérie, la diaspora, avec ses ressources personnelles, peut investir un milliard d’euros.

La diaspora a en outre en termes politiques «une pratique de la démocratie au quotidien, que ce soit dans les partis politiques, les syndicats, les collectivités territoriales, le Parlement», une expérience qui en fait «un outil démocratique»  pouvant contribuer au  changement en Algérie. Smaïl Goumeziane relève de la part de la communauté algérienne «une volonté largement partagée et affichée de prendre part par une démarche personnelle et libre» à la vie nationale.

Le conférencier pointe cependant quatre faiblesses se rapportant à cette diaspora. La première, c’est «la méconnaissance d’elle-même». La seconde est relative à sa «dispersion géographique, beaucoup plus grande que dans les années 50 à 70». La troisième faiblesse c’est «la méfiance» des uns vis-à-vis des autres de ses membres,  d’où la «difficulté de mutualiser ses capacités de lobbying».

Et d’observer que «très longtemps, la pratique des autorités était de dire que ceux qui veulent rentrer n’ont qu’à le faire, soit tout abandonner et rentrer. Or, il est possible d’intervenir en Algérie sans y vivre en permanence, ainsi en est-il de l’enseignement, cela se fait avec des pays africains, je donne le même cours à Dakar qu’à Paris Dauphine, mais je ne peux pas le faire en Algérie. Un médecin n’a pas besoin d’être présent en permanence en Algérie.  Des formules sont à trouver».

Aussi, la diaspora peut être «une locomotive capable d’entraîner les investisseurs étrangers». Pour peu qu’elle s’organise «par elle-même pour s’imposer et venir à bout des contraintes qu’elle rencontre». Le second intervenant au débat initié par le club Emergences, Mohamed Aziz Derouaz (ancien président du Conseil supérieur de la jeunesse, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports), a pointé les limites du mouvement sportif algérien et souhaité la création d’une association de droit français avec l’objectif de détecter les valeurs sportives, au sein de la diaspora notamment, et qui soit une courroie avec les associations sportives en Algérie.

Du fait que «le mouvement associatif sportif en Algérie est faible et ne forme plus de sportifs d’envergure n’ayant ni les moyens financiers, ni la logistique, ni les infrastructures, ni les formateurs» pour ce faire. «La formation des jeunes ne peut en aucun cas être à la hauteur du minimum requis». «Il faut chercher ailleurs, car la stratégie des pouvoirs publics ne permet pas de couvrir ces besoins.»  «Chez nous, les associations se sont créées  à l’intérieur du système, ce qui limite les possibilités de ce mouvement de se développer.

Le mouvement associatif sportif en est un exemple illustratif», a ajouté Aziz Derouaz. Et ce constat amer : «Faire du sport aujourd’hui en Algérie, c’est du luxe.» Et le conférencier de solliciter la contribution financière au soutien du mouvement sportif algérien. Sur la méfiance du pouvoir algérien à l’encontre de la diaspora, soulevée au cours du débat, Smaïl Goumeziane a fait remarquer que cette méfiance va au-delà de la diaspora. «Le pouvoir se méfie de tout ce qui est autonome». Et de noter que «la diaspora a la possibilité de la liberté d’action que les Algériens n’ont pas toujours, compte tenu de la fermeture du champ politique».  Aussi, il lui revient de  «se constituer en force pour peser dans la balance», préconise-t-il.

Nadjia Bouzeghrane/ Elwatan

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