D ans un monde en perpétuel mouvement, la crise pandémique que nous subissons est venue à bout de mettre l’humanité à genoux. Dans son économie, son ordre établi, ses fondements globalisés et globalisants. Aujourd’hui n’est plus qu’hier. Sera-t-il encore là demain ? Nul ne le sait. Maintenant que demain est incertain dans l’esprit de chacun, nous sommes comme suspendus dans les airs. Sans attaches ni repères. Là où, justement, cette infection mortifère se propage, se transporte et se transmet. Comme dans une phase de latence, durant cet interminable délai destinal, nous demeurons attentifs aux annonces que cette calamité mondiale se réserve comme sort à nous infliger. Cependant, que restera-t-il à retenir de tout cela une fois que nous aurions été durement arrachés à ce mauvais songe ? Le monde d’après sera-t-il meilleur ? Pire, peut-être ! Ou bien, les choses ne vont-elles pas continuer sempiternellement à verser dans des évidences déjà connues et toujours aussi néfastes ? Ces évidences selon lesquelles l’être humain n’excelle non seulement pas dans tout ce qui appelle au progrès, mais il est autant rompu aux plus stupides des défis, ou celui d’exceller dans tout ce qui peut nuire et faire mal au vivant.
Le règne humain est en train de faire face à l’une des pires expériences de son monde. Ô combien douloureuse. Souvenons-nous d’un fait qui n’est guère lointain : pendant que nombre de populations à travers les continents étaient confinées, claustrées et enfermées à domicile, d’un seul coup, la planète était devenue un vaste zoo, fait de buildings, de somptueuses demeures et de paysages urbains déserts. Les décors s’étaient teintés de la couleur sombre de la faucheuse. Le printemps n’avait jamais été aussi radieux, l’azur du ciel jamais aussi étincelant, l’astre étoilant du soleil jamais aussi constellant… mais plus triste que jamais.
Sauf que, et pendant que le règne humain était assigné à résidence forcée, pendant que le temps semblait s’étirer et que les fenêtres étaient devenues les seuls ajours permettant aux clartés de pénétrer dans les chaumières, dans les yeux et les esprits, l’autre règne, animal quant à lui, n’y était guère enfermé. La nature reprenait petit à petit ses droits. L’air, beaucoup plus respirable affichait son prix. Le vivant, après avoir exclu l’humain de la biosphère, s’était tout à coup redécouvert une salubrité salvatrice. Nos villes, nos villages, nos maisonnettes et immeubles se sont transformés en lieux de compartimentation dans ce vaste zoo, ou cette demeure consignataire non pas des animaux, mais de la majeure partie des êtres humains. Ces êtres humains, ces mêmes entités existantes qui, pour la première fois de leur histoire contemporaine, ont vécu la contrainte de partager équitablement l’espace de vie.
Il est à la fois sauveteur et salvateur ce sentiment de crainte de l’avenir mêlé de celui d’étonnement, à l’idée que, finalement, occupant comme le restant des vivants de la planète terre, l’être humain s’est vu réattribuer contre son gré le titre de locataire et non pas plus celui de possédant légataire de l’univers. Au même titre. Sans distinction de race, de couleur de peau, de situation géographique et encore moins de celle personnelle de tout un chacun parmi nous. Que l’ont soit riche ou pauvre, faussement puissant ou injustement faible, ce micro organisme aux couleurs transparentes de la mort nous a tous mis sur le même pied d’égalité…
Des leçons à en tirer ne peuvent et ne pourront être que très et jamais trop nombreuses. Une foultitude de certitudes absolues doivent finir par céder face aux attaques pourtant amies des vérités vraies. Rien n’y fera. Rien. Pour obvier aux assauts des vérités existentielles. Parmi elles : toute certitude absolue n’est qu’une forme d’ignorance assumée. Et dans une invitation commune, adressée à tout le commun des mortels, le devoir de vérité doit commencer en premier lieu par l’acceptation de la surpuissance de la nature. Ainsi, face à ses éléments, le culte de l’incertitude évitera davantage d’erreurs collectives à l’avenir. Le monde d’après la pandémie pourra sans doute être meilleur que celui d’avant. À condition que que tout être humain refuse d’exister pour régner, tout en consentant à l’idéal de coexistence avec les autres vivants. Mais afin que tout cela puisse être rendu chose possible, tout un chacun doit retourner à ses doutes. Et pendant que nous cheminons sur le terrain des vérités, n’oublions jamais de cultiver le savoir, toujours dans l’incertitude et le doute… Cela s’appelle l’humilité des savants que nous sommes. Dans notre savoir-vivre, dans notre savoir-être aussi, l’écologie nous réapprendra l’humilité des vivants sages pendant que nous désapprendrons la haine des autres vivants, ceux-là mêmes que notre appétence vorace affole. Dans le doute, l’adhésion à l’ordre de la nature doit être la première explication d’un autre ordre, celui de notre univers commun.
Auteur : Azeddine IDJERI