L’auteur de « Meursault, contre-enquête » emmène le spectateur dans une balade algérienne, à la rencontre d’un pays en pleine reconquête de lui-même.
Depuis février 2019, les Algériens sont dans la rue chaque mardi et chaque vendredi à l’appel du Hirak, mouvement de contestation populaire et pacifique qui a conduit le président Bouteflika à démissionner. L’élection d’un nouveau chef d’Etat le 12 décembre n’a pas mis fin à la protestation, bien au contraire : les Algériens réclament toujours la fin d’un régime en place depuis 1962 et « une indépendance confisquée », selon l’ex-député Djamel Zenati. « Cela fait quarante ans que j’attends ce moment, un moment de joie, d’intensité. On y a droit. J’ai vécu cela comme une réparation », s’enthousiasme Kamel Daoud.
Une société en mal d’identité et de repères
Pour tenter de comprendre ce pays à multiples facettes, l’auteur de « Meursault, contre-enquête », nous balade à travers « son » Algérie, en compagnie d’historiens, d’écrivains, de jeunes, de proches ou du patron du « Quotidien d’Oran », journal où il a fait ses débuts à 22 ans. « Les gens pensent que Daoud est une météorite. Ils oublient que, pendant dix-sept ans, il a fait des chroniques, qui étaient le baromètre de la société », explique la romancière Amina Mekahli. Avec son regard affûté, il explore les fractures algériennes nées à la fin des années 1960. Se dévoile en racontant son enfance à Mostaganem, son amour des livres ou la légèreté d’Oran, où il vit : loin d’Alger la conservatrice, « Oran est une ville qui chante ». Sans complaisance, il décrypte un système et une société en mal d’identité et de repères. Il évoque la vigne, la place des femmes, la langue arabe, la religion – « Kamel, qui se défend d’être religieux, est un homme profondément spirituel, un homme qui a un vrai sens du sacré », souligne l’évêque d’Oran.
Ce documentaire propose un voyage initiatique dans une Algérie éprise de liberté, à l’image de Daoud : « Je voudrais dire à la génération qui me précède qu’il est temps pour elle de rendre le pays aux siens, de passer la main. Ce qui me décevrait le plus, c’est que cette révolution puisse ressembler au régime actuel, c’est tellement facile de ressembler à une dictature après l’avoir abattue parce qu’on ne sait pas être libre. »
Documentaire de Jean-Marc Giri (2020). 55 min. (Disponible en replay sur france.tv).
Par Nebia Bendjebbour/ Nouvel Obs