M édecin de profession, Jamil Rahmani a co-écrit avec Michel Canesi le très instructif Bien portant avec la médecine du Prophète (édition JC Lattès). Un ouvrage aussi précieux qu’utile tiré des enseignements de l’Islam. Entretien avec l’auteur algérois.
Comment est née l’idée de ce livre ?
Jamil Rahmani :Ysabel Saïah-Baudis, amie et fondatrice d’Orients Editions, nous a donné à lire La Médecine du Prophète ouvrage écrit par As-Suyuti, médecin cairote du XVème siècle, avec l’idée que nous critiquions son œuvre à l’aune des connaissances médicales actuelles. Nous avons accepté très vite, surpris par la modernité des conseils qui y sont prodigués.
L’islam n’ayant pas très bonne presse en France. Etait-il facile de convaincre un grand éditeur parisien de publier l’ouvrage ?
Ysabel a établi un partenariat avec les Editions Lattès, l’idée du livre leur a semblé excellente. Nous avons rencontré l’équipe éditoriale et signé le contrat. Il n’y a donc eu aucune difficulté.
Vous vous basez principalement sur le traité de Jalal ad-Din As-Suyuti. Qui était ce personnage ?
Il était médecin mais pas seulement. Son savoir encyclopédique et sa production littéraire englobent la langue et la grammaire arabe, le droit, l’histoire, les hadiths, la poésie, la prose, la médecine, l’astronomie, le soufisme et l’exégèse des textes saints. Seules les mathématiques et la logique lui échappent. Contemporain de la Renaissance italienne, As-Suyuti est le représentant d’une nouvelle ère qui voit s’effacer la transmission orale au profit de l’écrit, il est le dernier encyclopédiste en langue arabe.
Son traité n’est pas notre unique source, il a écrit d’autres ouvrages médicaux qui nous ont aidés. Nous nous sommes également référés aux passages du Coran sur la médecine et à certains hadiths.
Pourquoi avez-vous pris le parti d’évoquer votre enfance algérienne ?
Je voulais comprendre pourquoi inconsciemment les préceptes de l’islam m’avaient aussi profondément marqué, j’ai donc remonté le temps et retrouvé les jours où la religion imprimait nos vie de sa marque heureuse. Quantité de gestes et de comportements sont directement issus de mon éducation musulmane.
Vous parlez dans votre livre de quatre humeurs qui irriguent le corps et de quatre tempéraments. Quels sont-ils ?
Les humeurs sont la bile, le sang, la pituite ou lymphe, l’atrabile. Les tempéraments quant à eux sontle bilieux, le sanguin, le lymphatique ou flegmatique, le mélancolique ou atrabilaire.Ces humeurs et ses tempéraments sont constamment présents dans note langage de tous les jours. Ne dit-on pas que l’in se fait de la bile, que tel ou tel est mélancolique ou flegmatique ?
Une des clés de la bonne santé est d’avoir de la tempérance. C’est aussi le message de la religion musulmane qui est celle du juste milieu. Devons-nous apprendre à devenir raisonnable face à toutes les tentations de l’existence ?
Tout à fait, nous devons éviter les excès si nous voulons ménager notre corps et notre esprit. Trop manger ou trop boire, épuiser nos muscles et nos articulations lors d’exercices excessifs, se laisser aller à la déprime ou à la colère sont des pratiques délétères. Les recommandations de la médecine moderne sont en accord avec les conseils de tempérance de la religion musulmane.
Comment rester concrètement dans cette voie médiane ?
En dominant ses instincts et ses passions. En restant zen face aux aléas de la vie.
Vous nous apprenez de manière surprenante que le médicament par excellence est la faim. Pouvez-vous développer ?
Le Prophète Mohamed disait : L’abstinence est une médication. L’estomac est l’antre des maladies. L’alimentation de mauvaise qualité ainsi que son excès sont pourvoyeurs de nombreux maux. As-Suyuti conseille d’arrêter un repas alors que l’on a encore faim.N’empilez pas nourriture sur nourriture, écrit-il.La restriction alimentaire est bénéfique pour la santé lorsqu’elle permet d’éviter le surpoids. Bien évidemment il n’est pas question d’être malnutri ou dénutri mais d’absorber la quantité d’aliment qui permet de garder un poids idéal.
Ceci explique-t-il le succès grandissant du jeûne ? Vous citez le cas d’une entreprise de la Silicon Valley qui le rend obligatoire pour ses employés.
L’alimentation raisonnable est bénéfique pour la santé. Le jeûne lorsqu’il permet de diminuer un apport calorique excédentaire est salutaire. On peut aussi diminuer ses apports sans jeûner. Aucune étude scientifique n’a démontré les bienfaits du jeûne hors la diminution calorique. Il est exact que dans certaines entreprises on pratique le jeûne, les performances des employés seraient meilleures.
Autre chose étonnante que vous écrivez, c’est l’importance des ablutions avant et après les repas. Pour quelles raisons ?
L’hygiène mentale et corporelle, la propreté sont en islam d’une importance capitale. Se laver avant les repas évite de souiller les aliments avec des mains sales, après les repas de se débarrasser des traces de nourritures sur la peau et dans la bouche. Recommandations qui rejoignent nos pratiques modernes
La sieste comme le coït sont encouragés. Quels en sont les bienfaits ?
Il est scientifiquement prouvé qu’une courte sieste augmente le dynamisme et la productivité des individus. De nombreuses entreprises dans le monde l’ont compris et ont aménagé des espaces pour que leurs employés puissent faire la sieste. Le coït pratiqué régulièrement participe au bon équilibre psychologique des femmes et des hommes.
Vous prônez la maitrise de la colère et encouragez la joie qui donne de l’énergie. Ne sont-ce pas deux clés qui font le succès aujourd’hui du développement personnel ?
Absolument, la maitrise des mauvaises pulsions, l’acceptation du destin, la recherche des petits bonheurs, le refus du deuil et de la tristesse permettent d’accéder à plus de sérénité, de s’épanouir.
Vous évoquez une étude importante intitulée PURE. Quelles ont été ses conclusions ?
- Diminuer le sucre dans l’alimentation,
- Augmenter la consommation de fruits et légumes,
- Augmenter son activité physique de façon importante.
Il faut révolutionner le mode de vie urbain, favoriser l’utilisation de bicyclettes pour se déplacer, ne plus utiliser les ascenseurs, faire du sport. Nous devrions faire une heure de sport tous les jours et marcher une heure.A moins d’être marathoniens, si nous ne changeons pas notre façon de manger et de bouger, nous sommes condamnés à devenir gros. Ceci rejoint les conseils de la médecine prophétique !
Nasser Mabrouk
