Tassadit Imache : « Est-ce que qu’on peut faire son chemin seul quand on a en charge un héritage lourd et douloureux ? » L’auteure revient avec un récit Des cœurs lents avec tant de questions sans circonvolutions. Un ouvrage dans lequel elle préserve son intimité de femme toujours digne et debout.
Née en 1958 à Argenteuil,. Tassadit Imache est l’auteur de quatre romans : Une fille sans histoire (Calmann-Lévy, 1989), Le Dromadaire de Bonaparte (Actes Sud, 1995) et Je veux rentrer (Actes Sud, 1998) Presque un frère (Actes Sud, 2000). Et la voilà avec un cinquième livres, Des cœurs lents (Agone, 2017). Un livre dans lequel elle déroule d’une étonnante densité ce qu’il y’a d’humanisme dans le métissage puisque Tassadit Imache est issu d’un père Algérien et une mère française. Dans un entretien accordé à un journaliste, elle déclare : « Je suis née en France au milieu de la guerre d’Algérie, d’une française et d’un algérien qui s’étaient rencontrés à l’usine. Je suis l’enfant de ces deux là…des lutteurs forcément ! «
Forcément ! c’était dit. L’auteure emblématique glisse dans les interstices, là où les âmes en souffrance et les corps séquestrés se rebondissent, s’enragent, se rebellent. Ou craquent sous le poids du racisme. En ces temps-là, les deux amoureux ne savaient pas que leur amour est fragile, leur amour ne tient qu’à un bout de fil. Dans cet ouvrage l’auteur écrit pour raconter sans mystification ce qu’elle sait, ce qu’elle a vécu. Cette sincérité est l’une des marques de sa prose, de son vocabulaire et de son phrasé.
Tout avait commencé au Jardin des plantes, à Paris, là où deux âmes errantes et solitaire ce sont rencontrées. Elle, bretonne débarquée dans la capitale à la recherche d’une vie meilleure, lui, un émigré algérien en tenue de révolutionnaire « style prolétaire à la française». Tandis que de l’autre côté de la méditerrané la guerre coloniale, ce que l’on appelait à cet époque (événements d’Alger), fait rage. À la balle, au couteau et autres moyens de guérilla urbaine. À l’origine de cette famille française, il y a Marie et Mohammed, une soif de justice et une soif d’amour entrecroisé par hasard. Voyez-vous, le bicot ne savait rien de la justice. Marie ne savait rien de l’amour. Histoire d’une rencontre. Histoire d’un gâchis fait de manques et de silences. D’absences et de vides, de sincérité et d’insoutenable.
De prisons et de délivrances. Le grand-père va crever, seul à l’hôpital avec son nom. C’est qu’on ne les aimait pas beaucoup dans nos hôpitaux à cette époque, les Maghrébins. Plus tard, le père des gamins, Marco Jean, né sous X, se tuera dans un accident de moto, laissant Marceline avec trois orphelins. Les pères ne vivent pas longtemps. Répétitions généalogiques sur trois générations. Soif de justice et d’amour font les cœurs durs, lents, et les langues lourdes, fermés mais fiers. On hérite de mère en fille d’une colère dont on ignore l’origine et de branche cassée en branche cassée, de trou en trou, on vous y pousse dedans… la dépression. Finalement, Marceline viendra-t-elle à l’enterrement ?
Tassadit Imache, Des cœurs lents, Marseille, éd, Agone 2017, 183 p
Par Mokrane Maameri