J eune cavalier de 30 ans passionné par les animaux depuis l’âge de 8 ans, Hassen Bouchakour a mis entre parenthèse sa carrière d’artiste pour se consacrer, grâce aux dons exceptionnels de Peyo, aux malades en fin de vie. Eldjazairmag.com est allé voir le Franco-algérien au Salon du Cheval de Villepinte (24 nov au 2 décembre). Rencontre singulière avec un être et un cheval hors du commun.
Afin de vous présenter au public, pouvez vous nous dresser votre parcours?
Hassen Bouchakour : J’ai eu la chance d’être élevé dans la double culture franco-algérienne. A 8 ans, je suis allé à vélo faire le tour des fermes des paysans pour m’occuper des animaux et apprendre le métier (dresser, préparer, soigner). Le papy qui m’a mis le pied à l’étrier était marchand de chevaux. Le cheval a toujours rythmé la vie et la mort des Algériens et des Maghrébins, des Arabes. C’est dans notre sang, notre culture à travers notre poésie, nos chansons. Par la suite, j’ai appris la science, la bio-mécanique des chevaux. Tout ce qui allait me servir à pouvoir vivre de mon art. Par ailleurs, j’avais aussi appris plus jeune la gymnastique et la contorsion qui m’ont servi par la suite. A 16 ans, j’ai eu la chance d’être repéré pour le sport de haut niveau. Puis je me suis orienté vers le spectacle pour pouvoir en vivre. J’ai la chance d’avoir un style et de faire le tour du monde avec mes animaux.
Quels sont les types de spectacle que vous produisez?
Je travaille beaucoup en music-hall, dans la contorsion. Ce ne sont pas les grands pistes de sable qu’on a l’habitude de voir. Je me produis sur de petites scènes pour des publics restreints ou intimes au huitième étage des hôtels.
Combien de chevaux possédez vous?
J’en ai une trentaine plus les plus anciens que je garde. Ils m’ont servi. Culturellement et religieusement, nous avons interdiction de nous séparer de notre première jument. Je les conserve jusqu’à la fin.
Il y a Peyo qui fait l’actualité du Salon du Cheval. Pouvez vous nous parler de sa particularité?
C’est un étalon de 14 ans. Il partage ma vie depuis sept années. A la base, il était prévu qu’il remplace un cheval pour le dressage et la compétition. On a fait des spectacles jusqu’à ce qu’il se comporte de façon très bizarre. Je voulais le revendre car il était très compliqué, nerveux et incontrôlable. Je sentais qu’il ne voulait pas de moi.On ne se supportait plus l’un et l’autre. Je le voyais comme un cheval de sport. Je n’avais pas compris le potentiel qu’il avait en lui. Je ne voyais pas en lui cette capacité de détecter les maladies, les tumeurs, les cancers enfouis chez l’humain. Il ne m’écoutait pas alors qu’il essayait de me montrer autre chose. C’est moi qui étais bloqué dans mon monde. Ce n’est pas un cheval gentil, qui est câlin et qui se laisse caresser comme un autre animal. Il est dans son coin et ne regarde personne. Si on s’en approche, il s’enfuit. Et un jour il a adopté un comportement irrationnel. Il était prêt à défoncer des barrières pour aller se coller à une personne bien précise. En général un malade affaibli psychologiquement et physiquement. Il est toujours attiré par le même profil. Je me suis alors dit que cette attitude devait s’expliquer de façon rationnelle. J’ai été voir des psychologues, des chercheurs, des neurologues, des psychiatres, des gériatres.
Quand avez vous compris qu’il avait un don si spécial?
Pendant un an, on a beaucoup fait de galas. A la fin de chaque représentation, au moment de rencontrer le public, Peyo me fuyait. Il décidait de partir et de se coller à quelqu’un. En Allemagne, une dame s’est approchée pour nous féliciter. Le cheval m’a échappé pour aller se coller et se frotter contre la poitrine de cette personne. J’étais gêné car elle avait un très beau chemisier. J’ai demandé à mon assistante de prendre le contact de la dame pour faire le nécessaire par rapport à son habit. Cette dernière m’a répondu que le chemisier c’était du matériel et que le cheval a juste compris ce qu’elle avait. Il avait eu un cancer avec ablation du sein gauche.
Plus récemment à Besançon une petite fille prend une photo avec sa maman. Et là Peyo me pousse et se dirige sur la tête de la gamine en tirant sur ses cheveux. Je me suis dit qu’il lui avait fait mal. Il le refait une deuxième mais cette fois-ci, il arrache une perruque. Et il se met à jouer avec. Je ne savais plus où me mettre. La maman était en larmes, pleine d’émotions positives. C’était un moment incroyable de voir la petite rire en voyant Peyo. Je me suis dit à ce moment qu’il fallait se poser et expliquer cela de façon rationnelle en rassemblant une équipe de chercheurs.
Des études sont menées depuis quatre ans. Quels en sont les premiers bilans?
Avant tout il faut savoir qu’on a créé un protocole sanitaire car faire entrer un animal dans un établissement de santé, ce n’est pas rien. Un cheval n’a rien à y faire mais Peyo est capable de choses extraordinaires. C’est sa volonté. Je n’ai pas choisi cette vie là. Gérer dix à quinze morts par mois, ce n’était pas ma vie. J’arrive a supporter cela. C’est un honneur de pouvoir m’occuper des anciens, des jeunes et des gens fragiles mais j’ai un métier artistique qui est un peu en suspens actuellement. Il a fallu donc répondre à ces questions sanitaires. On sait que le cheval ne transmet aucune maladie à l’homme hormis la galle norvégienne qui est rarissime. On protège et nettoie l’animal parce que l’humain va le toucher. Après le protocole vient le dressage car il a fallu lui apprendre à ne pas uriner ou faire du crottin. Il fait ses besoins sur commande. Puis il a dû se familiariser avec l’ascenseur, le parquet, le carrelage, le lino, la moquette…C’est deux ans de travail. A partir de là, on entre dans l’hôpital et on voit ce que le cheval veut faire. Il est lâché. On a affaire à la médecine quantique. On essaie de comprendre à quel taux vibratoire l’animal est sensible. A pathologie égale, il va allez voir l’un et pas l’autre. C’est lui qui choisit. S’il ne veut pas, on ressort et on fait autre chose.
Concrètement comment agit il quand il veut aller vers un patient?
Soit il se manifeste de manière assez agressive sur la porte en envoyant le pied dessus jusqu’à ce quelqu’un lui ouvre la poignée. Ou de lui même avec sa bouche il l’ouvre. Ce qui est incroyable, c’est qu’on peut être surpris mais le patient dans sa chambre est toujours heureux de le recevoir. L’animal n’ira en aucun cas vers une personne qui aura peur de lui. C’est son instinct. Peyo va chercher quelque chose qui répond en premier à son envie avant celui du malade. Le cheval est médicalement fédérateur. Il arrive parfois qu’il entre dans la chambre, qu’il souffle et qu’il reparte. Il a alors fait une erreur.
Qu’est ce que la présence du cheval apporte au patient?
Aujourd’hui, on observe un réel bien être chez le malade. Un apaisement des troubles cognitifs, du sommeil. Il retrouve un goût pour l’alimentation, pour vivre, pour lutter, pour supporter différemment la maladie. D’avoir un espoir pour certains d’entre eux. Notre travail est de pallier la douleur et d’apporter une alternative au traitement lourdement médicamenteux en diminuant les morphines, les anxiolytiques.Nous aidons le patient à vivre le temps qui lui reste dans la dignité et l’apaisement.
Avez vous senti une modification des attitudes du cheval au contact des patients?
Au début on ne savait pas vers quoi s’orienter. Alors on a essayé un peu tous les types de patient. Mais rapidement,on a isolé la gériatrie, la pédiatrie, la psychiatrie, les soins palliatifs et les personnes atteintes d’Alzheimer. Ce sont des personnes vis à vis desquelles, le cheval était sensible. Il se sentait bien avec ces malades. On observe que plus ces personnes sont dépendantes, réduites à un état primaire, plus ça fonctionne. L’animal recherche les mêmes besoins de nourriture, d’affection, d’aide, de soins que ces malades. Quand ces gens ne veulent ou ne peuvent plus communiquer avec les docteurs, leurs familles, qu’ils ne supportent plus personne, alors le seul remède est le cheval. Grâce à l’animal, on tente d’apercevoir une petite lueur qu’on essaie d’exploiter et faire germer et grandir dans la tête et le coeur de tous.
L’actualité très récente, c’est aussi l’ouverture d’un centre à Calais. Pouvez vous nous en dire un peu plus?
Depuis quelques semaines, on étudie la possibilité d’une implantation d’un centre de dignité humaine. Calais se prête vraiment bien au travail. La région des Hauts de France, la population, la bienveillance, le respect des gens ont été un vrai coup de coeur. Le littoral de la cote d’Opale est sensationnel. Ce sont des plages qui n’ont rien à envier au sud de la France. Et puis les facilités d’accès avec le centre hospitalier, la municipalité sont un vrai plus. Ce sera un vrai lieu où l’on pourra vivre sa fin de vie dans la dignité avec les animaux. On se concentre sur cette région et on verra pour d’autres qui sont en attente.
Après le Nord de la France, avez vous des projets avec le sud et notamment l’Algérie où vous avez vos attaches?
L’Algérie c’est moi aussi. C’est aussi Peyo. Pouvoir rencontrer ma famille sur la terre de mes parents et assister à toute cette richesse culturelle, ces fantasias qui me manquent. On réfléchit à comment y aller.Il y a beaucoup de choses à faire avec le pays.
Par Nasser Mabrouk