Dans « Le Vieux de la Montagne », Habib Tengour déambule dans l’espace et dans le temps et partage son insatiable passion de l’histoire de l’Algérie à traves des lettres, des arts et des ailleurs. Elégant.
Tout objet littéraire mérite lumière et la mise en relief d’un décor dans lequel supplante le récit. La dérivation de lecture vital de l’un à l’autre ; narration, construction d’une phrase. L’épisode oppose le lecteur au personnage paternel. Tous les détails suggèrent une lecture symbolique sans doute plus attractive, s’appuyant sur la légende, a priori dénudé de toutes fondations historiques, mais extrêmement efficace en l’espèce, Habib Tengour nous promet cela, il développe la relation d’intense proximité qui aurait pu exister entre Nizam al-Mulk, qui deviendra grand vizir (sunnite) de Perse, Hassan i-Sabbâh, qui deviendra donc le chef des Nizârites / Assassins, et Omar Khayyâm, qui deviendra le célèbre mathématicien, astronome et poète que tous connaissent, si les trois avaient réellement étudié ensemble, étant jeunes, à Nishapur sous la direction de l’imam Mowaffak.
L’important est la manière dans laquelle l’histoire est racontée : exactement comme dans l’épopée de la Rome antique, l’auteur prend l’histoire au premier degré et se met en poète flâneur et élégant. Le récit coule s’inventant ; M Tengour construit à grand coup les anecdotes cueillies ça et là et leur donne un statut social et politique à la fois. Ce roman relate magnifiquement le doute intime qui saisit l’auteur.
En effet, l’humble originalité de l’auteur est de nous reconstituer mot pour mot et encore, ce ne sont pas des moindres de l’Algérie d’aujourd’hui en la portant dans le fléau des labyrinthes de métaphores et de personnages visibles à l’horizon mais se projetant vers des ombres issues d’une époque mythique. On voit aussi comment se justifiait le titre, Le Vieux de la montagne. Il correspond exactement à une connaissance d’histoire et géographie du monde musulman. Cela implique que le récit dit tout et ne cache rien ou du moins prêt à faire des concessions pour éclairer le curieux.
En réalité, ce roman se lit comme une quête, voire, une réflexion d’un homme investit du pouvoir de la plume face aux dirigeants et aux élites des nations, une lecture poétique qui traverse les années, les siècles spatio-temporels, un pressentiment des calamités qui sont venues atterrir sur le sol algérien. Le texte d’Habib Tengour constitue un éternel aller-retour de civilisations, notamment, la Perse médiévale, l’Algérie actuelle et ses émigrés en France. L’auteur part de la diplomatie figurante que métaphorique, entre des personnages, le héros d’abord, Hassan as-Sabah, en l’occurrence Le vieux de la montagne ; ancêtre de tous les assassins, de l’autre, le vizir Abou Ali Nizam al Mulk, représentant d’un pouvoir politique caractérisé par un pragmatisme machiavélique, et Omar Khayyâm, poète et homme de sciences, qui se complait dans le narcissisme de l’impuissance.
Habib Tengour, Le vieux de la montagne, Paris, éd., Différence (la), 2008
Par : Mokrane Maameri