La force des ténèbres
On attendait du vendredi, la chance voire la gloire, d’autant plus s’il coïncide avec un certain chiffre, en l’occurrence le 13e jour du mois ou la française des jeux nous tient en haleine jusqu’au soir pour savoir qui allait rafler la mise de la loterie, Mais hélas certains individus illuminés avaient décidé autrement, faire parler d’eux et semer la terreur de grande ampleur qui restera graver dans nos mémoires. Ce vendredi 13, Paris, la ville des merveilles, ville des libertés par excellence, ville comme l’avait baptisé Ernest Hemingway « Paris est une fête », est ensanglanté et plongé dans l’horreur par les fous de Dieu.
Le narrateur, Khalil du roman de Yasmina Khadra faisait parti de ses fous d’Allah. Il faisait parti du groupe kamikaze du stade de France. Ce jour-là, ils sont cinq dans la voiture destination Saint Denis, Khalil et son ami Driss avec lequel il a grandi à Molenbeck, Belgique, tous deux nés dans la même année, en 1992, habitaient le même immeuble et allés à la même école. Deux frères, visiblement Khalil ne les connait pas et bien entendu Ali, le chauffeur.
Les deux frères devaient mourir en kamikaze au stade de France, soixante dix mille spectateur, ce jour-là. Driss à la fin du match et au moment de grande influence c’est-à-dire à la sortie des supporteurs et Khalil dans le RER qui acheminerait les supporteurs vers leurs domiciles. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme ils le souhaitaient. A commencer par Khalil qui n’a pas réussi à actionner sa ceinture.
Rayan, ami à khalil et à Driss, n’est pas au courant de ce qui se tramait, ni de l’implication de ses deux amis dans les attentats, Khalil parvient à retourner sans encombre en Belgique chez sa Sœur ainée qui s’avérerait dépressive. Khalil s’est-il dégonflé de sa mission ? Surtout il ne veut pas que ses amis de la Solidarité Fraternelle croient à l’hypothèse de dégonflement : « si j’ai échoué dans ma mission, ce n’est pas faute d’avoir essayé… » En fait, Khalil ne savait pas que sa ceinture devrait être actionnée à distance.
Khalil n’a plus vraiment de contacte avec ses parents. Son père le méprise car il n’a pas réussi comme son ami Rayan. Sa sœur dépressive ne veut pas de lui, non plus. Il lui reste seul contacte dans la famille, c’est celui de sa sœur jumelle Zahra. Sa famille, sa communauté qu’il rencontre, hormis ses amis de la Solidarité Fraternelle, sont horrifiées des attentas de Paris, d’autant plus quand ils apprennent qu’Anisa, cousine de Khalil, est morte en assistant au concert de Bataclan… Avant même de croiser le chemin des Frères qui le prennent sous leurs ails, Khalil est fragile, une feuille lâchée par ses branches d’arbres et emportée par les vents d’un coin à un autre […]. Un délinquant […], une chimère dont le comportement surprend plus d’un, par son écart avec les normes de la civilisation humaine. Que lui avaient promis les frères ? De l’honorer et de faire de lui un martyr pour leur cause.
Khalil, Yasmina Khadra, 264 pages, Julliard
Par : Mokrane MAAMERI, Écrivain