Le combat de femmes
Deux romans déjà parus publiés chez Ramsy dans lesquels l’auteur évoquait le sud Algérien. Elle récidive, mais cette fois s’attaquant au sujet le plus audacieux et parfois dans un récit poignant édité Chez Grasset. Ce récit au ton vif, poignant et à l’écriture des plus haut niveau et direct, se présente comme un roman d’aventure en aventure mais en réalité est un pamphlet sur une société très conservatrice. En effet, la narratrice parle d’un univers en déclin, d’un avenir incertain. « L’interdite », déchirante expérience de lecture signé par Malika Mokeddem.
La lauréate de plusieurs prix littéraire notamment du dernier ; Prix Méditerranée-Perpignant obtenu en 1994 pour L’interdite, poursuit son exploration du rapport biaisé à la réalité des conditions des femmes. Une réalité qu’elle connait bien puisque Malika Mokeddem est née à Kenadsa Bechar en Algérie avant de s’installer à Montpellier en 1979. La thématique féministe que l’auteure défend le fait dans la parfaite langue de Molière, une langue d’emprunt, à la manière de son compatriote écrivain Kateb Yacine qui disait : « la langue Française est un bulletin de guerre » seulement Malika Mokeddem ne mène pas une guerre contre les hommes mais plutôt de l’amour, respect et l’égalité sociale.
Le rapport biaisé de la réalité que chaque personne se raconte en se regardant dans les miroirs brisés pour se façonner l’identité, c’est le fil rouge de l’écrivaine d’une justesse et d’une profondeur admirable, à l’écriture douce-amère. En témoigne, ce roman, L’interdite qui forme avec la transe des insoumis (Grasset 2003), délicieusement plein de ruse, une sorte diptyque autour de la condition féminine, évoquant la manière dont la société dominée par les hommes, s’échine à réduire la femme au silence.
Dans ce superbe roman L’interdite, l’auteure met en exergue deux personnages que tout oppose diamétralement. Sultana et Vincent. Sultana née en Algérie et est médecin à Montpellier Sud de la France où elle vit en exil depuis quinze ans. Un jour, elle avait reçu une lettre d’un ami d’enfance resté en Algérie, Yacine, médecin aussi exerçant à Aïn Nekhla Bechar au Sud d’Algérie. Elle décide de le joindre. Mais à son arrivé en Algérie, elle apprend que Yacine est mort la veille. Elle décide de rester au village pour le remplacer quelques temps comme médecin. Retour des démons, elle se retrouve seule, en butte aux insultes, menaces et tout propos dégradant des hommes. Elle fait face…
Vincent, un français, greffé d’un rein en France, est de passage dans le village ou exerçait Sultana. Il est à la recherche d’une mémoire incertaine du donneur généreux de rein qu’il ne connait pas de reindont le seul indice en sa possession c’est qu’il s’agit d’une jeune femme Algérienne. Ainsi commence une histoire d’amour entre Vincent et Sultana. Seulement cet amour n’est pas bien vu par les intégristes.
La conclusion du roman toute la problématique de figure de style de l’anaphorique au parallélisme de Malika Mokeddem : allant jusqu’à subjuguer la gente féminine, si bien qu’elle se savait marcher sur le sable mouvant du désert et allait vers la destruction de ses « dernières illusions d’ancrages », Sultana combat pour le réveil de consciences du deuxième sexe. Simon de Beauvoir disait « on ne nait pas femme on le devient ». En effet, l’auteure emblématique du mouvement féministe du début XXe Siècle avec son ouvrage Le Deuxième Sexepublié en 1949 (Gallimard) a ouvert de belles perspectives à Dalila, Ouarda et autres, de rêver qu’un jour le soleil se lèvera. Les violences faites aux femmes poussent Sultana à la révolte et à afficher sans gêne sa féminité.
« Et ma mère remonte en moi, aussi. Elle déborde mon cœur et mes yeux, me baigne toute. Je flotte en elle. Ma mère, rivière de larmes, aux méandres de mon tréfonds, frémissement inaudible de mes hésitations. Ma mère, crue du vide, cruel silence qui noie la stridente des jours. »
Extrait de L’interdite : page. 257
Par : Mokrane Maameri
Écrivain