« Une icône culturelle est une figure emblématique qui joue un rôle essentiel dans la construction et le maintien de l’imaginaire social, l’identité collective » Denis Meyer.
Pour ce second épisode des icônes féminines du Monde Arabe consacré à Oum Kalthoum, l’actualité parle d’elle-même : 43 ans après sa mort, l’artiste la plus connue du Monde Arabe continue d’être en haut de l’affiche, mise à l’honneur par Philharmonie de Paris( https://philharmoniedeparis.fr/fr/exposition-al-musiqa )
Oum Kalthoum qui avait donné un concert mémorable à l’Olympia en 1967 à Paris, première ville occidentale où elle s’est produite : « C’était un concert programmé en Octobre 1967, juste après la défaite de la guerre des six jours. Le concert a pris une signification de démonstration, de fierté arabe » selon Lamia Zadé dessinatrice et écrivaine libanaise.
Celle que l’on surnommait « la cantatrice du peuple » est une artiste fière de ses origines égyptiennes mais qui a su transcender les frontières du Monde Arabe par sa voix unique.
Son histoire :
Oum Kalthoum de son nom complet UmmKulthum Ibrahim al-Sayyid al-Biltagi naît le 30 décembre 1898 à Tmaie El Zahayira et décède le 3 février 1975 au Caire. Celle que l’on surnomme également« l’astre de l’Orient » se fait rapidement remarqué pour son timbre de voix.
Une voix de contralto puissante permettant au-delà de la simple musicalité de transmettre des émotions fortes et pour cause, à l’origine Oum Kalthoum est formée aux chants religieux en écoutant son père les enseigner à son frère. Mais ce sera bien elle qui développera son talent pour le chant. Son père qui était imam ira même jusqu’à la travestir en garçon pour qu’elle participe aux répétition de la petite troupe de cheikhs qu’il avait formé pour animer les cérémonies religieuses.
A 16 ans, c’est le chanteur Cheikh Abou El Ala Mohamed et le compositeur/interprète Zakaria Ahmed qui lui enseigne la musique, elle finira par se produire dans de petits théâtres au Caire… mais sans sorties mondaines et toujours habillé comme un garçon.
Pourtant aujourd’hui ce que l’on retient d’Oum Kalthoum se sont bien ses chansons d’amour empreinte de mélancolie, tel que sa chanson phare « Enta Omri » (Tu es ma vie) reconnaissable aux premiers accords.
https://www.youtube.com/watch?v=1wBvuZVE7FI
Sa Musique :
Oum Kalthoum est une artiste charismatique, à la fois interprète et chef d’orchestre, ses concerts étaient des moments à part entière pouvant durer des heures car il lui arrivait de répéter les chansons préférées du public. Simplement elle au centre de la scène dans une robe classique, avec une coiffe du plus bel effet et un tissu raffiné à la main.
Malgré ses apparences conservatrices, Oum Kalthoum est une artiste qui a su moderniser la chanson arabe notamment avec des tournures poétiques inédites pour l’époque et sans vulgarités ce qui lui confère une forme de liberté dans les paroles de ses chansons tel que le titre « Alf Layla w Layla » (Mille et une nuits) :
https://www.youtube.com/watch?v=j3_1xUu2n3w
« Nous sommes tous guidés par l’amour,
Et de lui en découle la passion,
Il enivre les nuits de bonheur et nous répète à votre santé
Allons vivre dans les yeux de la nuit mon amour,
Demandons au soleil de ne pas se lever pendant un an,
Comment pourrais-je te décrire comment j’étais avant de te chérir mon amour ?
Ton amour m’a transporté et tu m’as appris la douceur des jours
Mes nuits n’étaient que solitude et tu les as remplies de bonheur,
Mon existence était une terre aride, un désert tu en as fait un paradis
Notre nuit d’amour est savoureuse
Vaut mille et une nuits, toute une vie,
Mais la vie n’est rien si elle ne ressemble pas à cette nuit. »
Mais Oum Kalthoumprend également place aux côtés des hommes politiques, plus qu’une simple artiste, elle devient la meilleure ambassadrice de l’Egypte. Politiquement proche du président Nasser, elle participe à la reconstruction de Port Said, fit construire des écoles dans sa ville natale et reverse une partie des gains de ses tournées à l’armée égyptienne.
Les hommages :
Oum Kalthoum est l’une des rares artistes arabes à avoir totalement transcendés les frontières en recevant des hommages internationaux : en 2012 une rue portant son nom est inaugurée à Jérusalem Est pour une artiste populaire aussi bien du côté des palestiniens que de celui des israéliens d’origine arabe ou juifs mizrahim. En 2015 c’est le musicien Ibrahim Maalouf qui lui consacre un album et en 2017 le théâtre des Folies Bergères lui rend hommage pour un concert exceptionnel interprété par Sara Al Hani.
Oum Kalthoum incarne une dualité : à la fois la femme arabe moderne pour l’Occident et la femme libre et indépendante dans le monde arabe – une exemplarité qui n’aura de cesse de maintenir son image d’artiste populaire jusqu’à nos jours.
Pour information : soirée exceptionnelle à la Philharmonie de Paris – à l’occasion de la fête de la musique le 21 juin l’exposition « Al Musiqa » sera gratuite de 18h30 à 22h00 avec des performances inédites.
Amina HARITI