LES ICÔNES FÉMININES DU MONDE ARABE* :
HOMMAGE À WARDA EL DJAZAIRA
« Une icône culturelle est, selon Denis Meyer, une figure emblématique qui joue un rôle essentiel dans la construction et le
maintien de l’imaginaire social et de l’identité collective. Il a pour un groupe donné, un statut particulier de symbole d’un lieu ou
d’une période historique particulièrement remarquable, importante ou aimée, par leur impact, l’importance et la signification pour un large groupe culturel… » *
Pour ce premier épisode des icônes féminines du monde arabe nous mettrons à l’honneur Warda, de son vrai nom Warda Ftouki surnommée Warda al Djazairia (la rose algérienne). A l ‘occasion d’un concert hommage prévu le 10 mars au Cabaret Sauvage avec Sanaa Moulali et l’ensemble Mazzika.
L’un de ses plus célèbres morceau s’intitule « Haramt Ahebak » (J’ai cessé de t’aimer) mêlant une mélodie rythmée à des paroles pleines de mélancolie, dans un arabe littéraire des plus délicat :« J’en ai fini de t’aimer – Tu ne m’aimes pas Et reste loin avec ton cœur – Et laisse moi vivre Et ne m’ennuie pas, ne me supplie pas – Après ce que tu as dit et ce que tu as fait J’en ai fini de t’aimer – Ne m’aimes pas »
Warda c’est une main de fer dans un gant de velours. En 60 ans de carrière, la chanteuse a toujours laissé transparaître l’émotion de
ses chansons d’amour mélancoliques sans pour autant montrer de la tristesse sur scène, bien au contraire elle encourage son public à
chanter avec elle en souriant joyeusement au rythme de la musique.
On pense toujours que l’inspiration d’un artiste vient de son propre vécu et pour une chanteuse comme Warda dont la vie sentimentale a été mouvementée, on se prend à imaginer les sentiments qu’elle a pu ressentir : d’abord épouse d’un officier algérien qui lui interdit de
poursuivre sa carrière pour élever leurs deux enfants elle finit par divorcer, s’installe au Caire et épouse un compositeur.
Chanson Haramt Ahebak :
https://www.youtube.com/watch?v=U1J0v6gxvqE
Mais ce statut d’icône est aussi lié à son engagement politique. Dés son plus jeune âge Warda est au cœur de la guerre d’indépendance
algérienne avec un père (Mohammed Ftouki) résistant FLN. La famille sera expulsée au Liban après la découverte d’armes destinées à la
résistance dans son cabaret. Sous les projecteurs dés son plus jeune âge, Warda ne perdra jamais cet amour du chant et de la musique, peu importe les aléas de la vie et les différentes villes qu’elle parcourt. Digne héritière du combat de son père et fière de ses
origines, en 1972, elle prend part aux festivités de la commémoration du 10ème anniversaire de l’indépendance algérienne à la demande du président Houari Boumediene – – elle qui naît à Paris le 22 Juillet 1939.
À l’échelle du Monde Arabe, Warda assume tout autant ses opinions politiques ce qui lui vaudra une interdiction du président égyptien
Anouar el Sadate de se produire dans le pays à cause de sa chanson « El Ghala Yenzad » faisant l’éloge du leader libyen Mouammar Kadhafi. Mais le président est rapidement amadoué par sa femme Jihane el Sadate qui apprécie le répertoire de la chanteuse, il accepte alors de lever l’interdiction.
En 1979, Warda accède à la scène de l’Olympia une nouvelle consécration artistique et sera nommée au grade de chevalier
de l’ordre des Arts et des Lettres en 2012.
Chanson « Biladi Ouhibouki » :
https://www.youtube.com/watch?v=ieJwbj2d7cI
Le concert hommage organisé par le cabaret sauvage est l’occasion de partager l’une des anecdotes qui sillonne sa carrière montrant une
facette peu connue de la chanteuse. En effet, son morceau « Nar el Ghera » (le feu de la jalousie) serait un message adressé à ses
rivales comme la chanteuse Samira Ben Saïd d’origine marocaine ou Mayada El Hannawi d’origine syrienne. C’est toujours avec poésie et
grâce que Warda va jusqu’à régler ses comptes redonnant, avec ce morceau sortie en 1994, un nouveau souffle à sa carrière et faisant
d’une pierre deux coups.
Warda puise son inspiration et se renouvèle artistiquement dans sa ville de cœur : Le Caire. Malgré des difficultés pour elle à faire sa
place dans cette ville en tant qu’artiste étrangère, elle y vit de nombreuses années et y décède le 17 mai 2012 avant que son corps ne
soit rapatrié en Algérie..
Sa disparition laissera un vide artistique dans le paysage de la musique arabe classique et dans le cœur de nombreuses personnes – elle
qui a vendue plus de 20 millions d’albums dans le Monde. Warda est définitivement devenue une icône par l’intemporalité de son répertoire et maintient dans l’imaginaire collectif (aussi bien algérien que international) l’image d’une femme talentueuse, libre et simple.
Chanson « Nar El Ghera » :
https://www.youtube.com/watch?v=tU6nJkGYzqE
Amina Hariti