N ous sommes tous amenés à nous mesurer aux difficultés parfois tenaces et qui, dans des aspects distincts, finissent par engendrer la même résultante : un sentiment d’impuissance qui condamne au renoncement. Dans un monde où tout doit être maintenu sous contrôle, tout va à vitesse élevée. Dans toute tentative d’élévation de son statut social, la performance demeure aussi une fin pour tout être social. Et tout effort pour y parvenir exige de nous le triomphe dans la prouesse. Cependant, quand l’échec et l’insuccès surviennent, suivent alors leurs contrecoups : burn-out, dépression, alcoolisme, personnalités multiples et déphasées…
Si l’échec peut parfois s’avérer inévitable, un mécanisme de défense existe pourtant et peut éviter le pire, ou cette décente aux enfers qui finit souvent par venir à bout d’achever nos ultimes forces et espérances. Ce mécanisme de défense consiste à trouver un refuge pour soi, loin de la société et de ses exigences. S’exiler, partout ailleurs, mais avant tout, hors de soi. Au premier abord, cette idée peut paraître incongrue, irrationnelle, voire déraisonnable. Pourtant, et contrairement au réflexe d’évitement, d’évasion et de refoulement cumulatif, la disparition de soi, baptisée « blancheur» en sociologie par le Dr David Le Breton, appelle à un « laisser-tomber » voulu, recherché et assumé. Sur le plan personnel comme sur le plan social.
La blancheur, quand elle n’est pas maladive, ou quand elle ne se manifeste pas dans un engourdissement de l’âme, invite au renoncement, non pas dans l’anéantissement et le désespoir, mais dans une forme de lâcher prise nécessaire à sa reconstruction et celle de son propre monde. Cette même blancheur ou cet effacement de soi peuvent se vivre durant des phases discontinuées pour lire, jardiner, voyager, méditer, prier… Le tout, pour prendre un peu de temps pour soi. Tout simplement. Telle est sa seule exigence. Prendre le temps de l’existence et non plus pour demeurer dans la survivance.