Dans un nouveau livre, Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit, Jean Pruvost, professeur de lexicologie et d’histoire de la langue française, dissèque quatre cents termes. Un ouvrage instructif.
L’Histoire et la langue se mêlent extraordinairement. C’est ce qu’illustre à merveille le nouveau livre de Jean Pruvost, notre fameux professeur de lexicologie et d’histoire de la langue française à l’université de Cergy-Pontoise. Le titre constitue un vaste programme: Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit (Lattès). L’auteur du Dico des dictionnaires présente et retrace l’histoire des emprunts de la langue française à l’arabe dans différents champs lexicaux.
Mais, tout d’abord, rendons à César… Un travail similaire avait déjà été effectué avec brio il y a dix ans par le journaliste et romancier Salah Guemriche avec son Dictionnaire des mots français d’origine arabe (et turque et persane), publié aux éditions du Seuil. Jean Pruvost lui rend d’ailleurs hommage en mettant l’une de ses phrases en exergue: «Il y a deux fois plus de mots français d’origine arabe que de mots français d’origine gauloise! Peut-être même trois fois plus…» L’auteur cite d’autres «éveilleurs» dont le remarquable ouvrage de son confrère et ami Alain Rey: Voyage des mots de l’Orient arabe et persan vers la langue française (Trédaniel)
L’arabe, en troisième position parmi les langues à laquelle le français a le plus emprunté
Le professeur de lexicologie, à travers le chemin souvent surprenant de plus de quatre cents mots, ne dit pas autre chose. Qu’on en juge: «Dès lors, on comprend aisément que la langue arabe vienne en troisième position parmi les langues à laquelle le français a le plus emprunté, tout juste après la langue anglaise et langue italienne», écrit-il dans un premier chapitre érudit qui fait appel à l’histoire des civilisations. Et d’expliquer: cette langue a été véhiculée par les croisades, les conquêtes arabes, les échanges commerciaux en Méditerranée, et plus près de nous par l’exil des pieds noirs ou la musique.
Il est impossible de citer les quatre cents mots qu’il recense, dissèque et nous explique (l’index est d’une richesse hors normes). Jean Pruvost dit tout simplement: «De la tasse de café à l’orangeade, de la jupe de coton au gilet de satin, de l’algèbre à la chimie ou aux amalgames, à propos de la faune, de la flore, des arts, des parfums, des bijoux, de l’habitat, des transports ou de la guerre, nous employons chaque jour des mots empruntés à l’arabe.» On le voit, il n’y a pas que toubib, baraka, sarouel, taboulé, nabab, kebab, babouche ou moucharabieh. On découvre les mots truchement, abricot, mohair, chiffre, épinard, civette, amiral, algorithme, arsenal…
En six chapitres (de «Nos ancêtres… mais encore» à «Une langue en mouvement de Saint-Denis et du RAP», en passant par «Dans nos premiers dictionnaires», «Les chemins des mots arabes» et «Voyage thématique en français via les mots d’origine arabe»…) il nous convie à un formidable voyage au cœur de l’Histoire et de la langue. Ce livre est d’utilité publique.
Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit, de Jean Pruvost (Lattès). 318 pages, 19 €.
Source : LeFigaro/Mohammed Aissaoui