« Sur les Chemins de Pierres », l’ouvrage autobiographique de Smaïl Zidane, père de Zinedine Zidane, est paru hier aux éditions Michel Lafon en France.
C’est un monsieur de plus de quatre-vingts ans qui se remémore la trajectoire de dur labeur, de droiture, de piété et d’amour du père de celui qui allait devenir l’un des plus grands footballeurs du monde.
Tout commence dans le village d’Aguemoun sur les hauteurs de Tichy à l’est de Béjaïa, où Smaïl Zidane, né en 1935, vit jusqu’à l’adolescence, entouré de ses parents, Mohand et Zahra, et de ses frères et sœurs. Son père et sa mère travaillent très dur une terre rude, peu féconde, les meilleures terres ayant été prises par les Français.
Malgré la fatigue, la faim et la dureté de la vie, les parents, pourtant tout en pudeur, prennent le temps d’être présents pour leurs enfants et de leur raconter des histoires le soir. Les frères et sœurs sont très proches et soudés. Le jeune Smaïl, qui, devant travailler très jeune, n’a pu aller à l’école qu’en pointillé, invente tout de même des poèmes dès son plus jeune âge, comme le faisait son père.
À l’âge de dix-sept ans, Smaïl doit quitter l’Algérie pour aller travailler en France. Pendant de longues années, il ne rentre plus en Algérie, vit très pauvrement et occupe des postes très durs d’ouvrier BTP à Paris, afin d’envoyer de quoi vivre à sa famille, restée en Kabylie. De cette époque, il se remémore les souffrances, les privations et la faim, mais aussi la joie d’aider les siens et les valeurs de partage, naturelles chez les immigrés algériens. C’est une solidarité qu’il n’est même pas besoin de nommer, tant elle va de soi, explique-t-il.
La période de la guerre d’Algérie est une période de tension et de forte suspicion contre les immigrés algériens. M. Zidane prend la peine de souligner son mécontentement lorsqu’un journaliste l’a qualifié de « harki », après quoi il a demandé la publication d’un démenti, et a fini par recevoir les excuses du journaliste. « Moi, harki ? » écrit M. Zidane, avant de lancer ironiquement : « Il aurait suffi de se renseigner pour comprendre que si, pendant la guerre, j’étais manœuvre à Paris, je ne pouvais pas, en même temps, me battre en Algérie avec l’armée française… ».
Prêt à rentrer en Algérie une dizaine d’années plus tard, Smaïl rencontre, chez un cousin marseillais, Malika, qui allait devenir son épouse. C’est le coup de foudre entre lui et cette belle jeune fille aux yeux verts. C’est pour elle qu’il fera le choix de rester vivre à Marseille, où le couple aura cinq enfants, Madjid, Farid, Noureddine, Lila et Yazid, nom que les parents voulaient donner à Zinedine, avant de changer d’avis pour faire plaisir à une amie. « Zinedine est son prénom pour l’état civil, il est Yazid pour les amis et les amis proches, Zizou pour ses supporters au football. Pour s’y retrouver, c’est assez pratique, finalement ! » s’amuse le papa.
Malgré un travail épuisant et presque constant, le père de famille s’efforce d’être toujours présent pour ses enfants, que son épouse et lui-même suivent de près. C’est dans une famille soudée, respectueuse de tous et des femmes en particulier, que grandit Zizou, qui allait plus tard, lors de la finale France-Italie en 2006, préférer risquer de perdre la Coupe du monde que de laisser insulter sa sœur impunément. Au sujet du coup de tête donné par Zinedine à un joueur de Materazzi, son père affirme : « Yazid a perdu un match, pas son honneur. Pour son père, pour sa mère, pour toute sa famille, c’est clair ».
Le papa se décrit comme un père inquiet, qui craint tellement de voir son fils blessé qu’il n’ose pas regarder ses matches en direct, pas même la finale de la Coupe du monde de 1998.
L’ascension du jeune Zinedine se fait vite et avec le soutien de ses parents, qui tiennent toutefois à ce qu’il n’abandonne pas l’école.
Le jeune garçon est timide, une timidité qui court dans la famille, selon son père, mais il peut aussi être turbulent. Et il sait ce qu’il veut. Son papa écrit avoir eu confiance en la capacité de son fils à ne pas laisser le succès lui tourner la tête. « Yazid ne deviendra pas un flambeur parce qu’il sait d’où il vient et il n’a pas de revanche à prendre, en tout cas pas celle-là ». Face au succès, le jeune footballeur reste simple et ne pense qu’au jeu collectif. « Papa », dit-il à son père, « je voudrais rendre le football aux footballeurs. »
À la maison, on parle kabyle et français, et les garçons comme les filles participent aux tâches ménagères. « Dieu a fait le soleil pour tout le monde », écrit le père, qui ajoute : « Moi, je participe à toutes les tâches de la maison et quand je ne sais pas faire, Malika me conseille ». D’ailleurs, son épouse, très bricoleuse, passe leurs années de retraite « toujours un tournevis ou une clé à molette à la main ! ».
Sur le plan religieux, la famille a toujours considéré que la foi relevait du privé, explique M. Zidane. « En tant que parents musulmans, nous n’avons jamais montré de signes extérieurs de notre foi ». « Pour moi, Dieu est partout, au quotidien, dans l’immensité ou les petites choses » , écrit-il.
Avec la célébrité de son fils, M. Zidane raconte l’émotion de la famille lors de leur accueil en Algérie en 2009, suite à une invitation du président Bouteflika. L’affection dont les Algériens entourent Zizou et sa famille a dépassé toutes ses attentes. Une affection réciproque, Zizou créant l’année suivante la Fondation Zinedine Zidane pour soutenir des projets locaux. « D’où ils nous regardent », écrit le père, « j’aime à penser que mes parents, mes sœurs, mon frère doivent être heureux ! ».
« Vivez autant que possible en bons termes avec tout le monde, sans jugement, même les ignorants et les esprits simples ont une histoire intéressante à écouter », disait en kabyle le père de Smaïl, qui porte ses mots « comme un talisman réconfortant ». Le père de Zidane achève son ouvrage sur une série de recommandations pour ses enfants et ses petits enfants, autour de valeurs de respect, de courage, de travail et d’espoir.
Source : TSA Algérie