Q u’elle soit chef d’entreprise, médecin, enseignante, juriste, journaliste ou femme au foyer, la femme algérienne s’impose de jour en jour comme acteur majeur dans le développement socio-économique du pays en dépit des contraintes socio-culturelles.
Les statistiques sur le nombre des femmes activant dans différents secteurs socio-économiques sont éloquents: la femme représente 43% des magistrats en Algérie, 62% du personnel du secteur de la Santé, 68% du nombre d’enseignants et 51% des journalistes.
Mieux encore, les femmes algériennes s’intéressent davantage à l’entreprenariat, un créneau dominé quasi-exclusivement par les hommes jusqu’à un passé très proche.
Selon les données obtenues par l’APS auprès du Centre National du Registre de Commerce (Cnrc), sur un ensemble de 1.877.116 commerçants inscrits au registre à la fin août, 140.211 entreprises (personnes physiques et morales) sont détenues par des femmes, soit un taux de 7,5% qui est, certes, encore infime mais qui s’affiche en hausse de 22% par rapport à 2010.
Même s’il parait encore faible, le nombre des femmes gérantes d’entreprises (personnes morales) a plus que doublé par rapport à 2010, passant à 9.300 femmes à fin août 2016 contre 4.451 femmes chefs d’entreprises en 2010, soit une hausse de plus de 100%.
« Dans les années 2005-2006, les femmes représentaient à peine 3% des chefs d’entreprises. Et encore, leur nombre est gonflé par les prête-noms, c’est-à-dire des hommes qui créent leurs entreprises sous le nom de leurs épouses ou filles pour pouvoir exercer une activité salariale par exemple », indique à l’APS Mme. Khadija Belhadi, entrepreneur dans le bâtiment et présidente d’une association de femmes chefs d’entreprises (AME).
« Même si le phénomènes des prête-noms persiste, mais il est en baisse. Aujourd’hui les femmes vont de plus en plus vers l’entreprenariat: nous avons mené une enquête à l’intérieur du pays et notre agréable surprise était de découvrir que les femmes rurales et du sud du pays s’intéressent davantage à l’entreprenariat », constate-t-elle.
Certains ne manquent pas d’observer que l’exécution des dispositifs de soutien à l’emploi depuis le début des années 2.000 a manifestement boosté l’entreprenariat féminin en Algérie.
En effet, les femmes représentent 14% des bénéficiaires des crédits de l’ANSEJ et de la CNAC, et 62,4% des bénéficiaires de micro-crédits financés par l’ANGEM.
Par ailleurs, les femmes vivant en milieu rural continuent à contribuer quantitativement et qualitativement au développement agricole du pays mais leurs activités, souvent à caractère informel, restent largement sous-estimées dans les statistiques.
Selon les données de l’ONS, moins de 3% des femmes occupées en Algérie activent dans le secteur agricole.
A fin septembre 2015, la population occupée féminine représentait 18% de la population occupée en Algérie, soit près de 2 millions de femmes qui travaillent, contre des taux de 26% en Tunisie, 50% au Qatar par exemple et près de 50% à l’échelle mondiale.
L’effectif des femmes occupées a été ainsi multiplié par presque 20 depuis l’indépendance.
Le taux de chômage s’établit quant à lui à (à fin avril 2016) à 16,5% chez les femmes et à 8,2% chez les hommes.
Mais les femmes inactives ou « femmes au foyers », même si elles ne contribuent pas directement au PIB du pays, elles jouent un rôle social qui n’est pas à prouver.
« Je détiens une licence en finances, mais j’ai préféré rester à la maison pour m’occuper de mes enfants, de leurs éducation, de leur santé et de leur enseignement. Je préfère jouer pleinement mon rôle de maman que de confier mes enfants aux nourrices », déclare fièrement Imène, une mère de famille de 35 ans.
=Les femmes parfois plus qualifiées que les hommes=
Pour ce qui est de l’éducation, les filles représentent 47% des élèves de l’enseignement primaire en Algérie, 48,75% de l’enseignement moyen et 58,25% du secondaire. Plus de la moitié des diplômés universitaires sont de sexe féminin.
Le marché du travail atteste lui même du niveau élevé d’instruction des femmes par rapport à leurs collègues hommes.
Une enquête de l’ONS a montré que « pour des raisons de qualification », le salaire moyen mensuel des femmes en Algérie était plus élevé par rapport à celui des hommes en 2011.
L’enquête révèle alors que 44,4% des salariés de sexe féminin avaient un niveau universitaire, contre 10,70% seulement pour les salariés masculins.
=Concilier vie professionnelle et vie privée: une équation difficile=
Cependant, l’insertion de la femme algérienne dans la vie professionnelle et dans les professions intellectuelles notamment ne lui a pas pour autant permis un accès significatif aux postes de responsabilité: moins de 2% des femmes qui travaillent occupent aujourd’hui un poste de responsabilité.
Pourtant, l’Algérie, où les femmes représentent 30% des instances élues, possède une législation basée sur une approche participative qui favorise l’intégration des femmes dans l’emploi sans aucune discrimination entre les deux sexes. Où réside donc le problème?
Selon des témoignages recueillis auprès de femmes travailleuses, concilier la vie professionnelle et la vie familiale demeure une mission très compliquée du fait de la « rigidité » des ….mentalités.
« Quand je rentre chez moi en fin d’après-midi, je suis saturée.
J’accomplis seule les tâches domestiques et ça m’épuise. Parfois, je pense même à quitter le boulot », déplore Saida, cadre fonctionnaire de 40 ans.
« Si seulement nos maris arrivent à comprendre que le fait de participer aux taches ménagères n’a rien d’humiliant. Le prophète lui même faisait le ménage chez lui. Cette mentalité algérienne et arabe en général n’est pas inspirée de la religion, ce sont des traditions obsolètes qu’il faut dépasser », réclame une enseignante et mère de trois enfants.
Le « malaise » de ces deux femmes est loin d’être un cas isolé. Une récente enquête effectuée par le CREAD auprès d’une vingtaine de femmes cadres travaillant dans une grande entreprise nationale, conforte l’idée d’une conciliation difficile entre le « dehors » et le « dedans ».
« La culture ambiante et le mode de vie n’épargnent en aucun cas ces femmes qui veulent concilier vie professionnelle et vie privée (…) certaines femmes adoptent des stratégies de repli sur des postes fonctionnels. En d’autres termes, elles pratiquent l’auto-plafonnement temporaire de carrière qui protège la vie familiale sans sacrifier totalement l’intérêt porté à la vie professionnelle »,analysent les chercheurs du CREAD.
L’encouragement à la féminisation de l’emploi sans toutefois se soucier de l’évolution de la vie familiale, prenant la femme au jeu d’une contrainte de la double activité, à la fois responsable domestique du foyer et acteur professionnel à part entière s’avère, de ce fait, une démarche « paradoxale », notent ces chercheurs dans leur rapport.
Par Hana SBAGHDI/ APS