Karim Oumnia, inventeur de la smartshoes, pionnier du Footwear connecté

Karim Oumnia, inventeur de la smartshoes, pionnier du Footwear connecté

 Si ses yeux pétillent, c’est parce qu’il a mille idées à la seconde.  Après avoir inventé la chaussure de foot la plus légère du monde, la basket la plus aérée du monde, Karim Oumnia a mis sur le marché « Digitsole » la première semelle chauffante connectée. Pionnier du Footwear connecté, inventeur  de la « Smartshoes », il a fait sensation au dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas avec sa marque en B to B Zhor Tech et sa basket venue tout droit du futur qui se lace toute seule. A tel point qu’Emmanuel Macron en a fait l’un des ambassadeurs de la « French Tech ». Hyper actif, entreprenant et bien dans ses baskets, Karim Oumnia  est avant  tout un père de famille et un époux très attentionné. Ce qui ne l’empêche pas de parcourir le monde pour ses affaires avec des équipes de télévision à ses basques. Nous avons réussi à le coincer entre deux avions, dans sa « boîte »  qui emploie une vingtaine de jeunes ingénieurs de toutes les nationalités, à Nancy.

Où en en êtes-vous dans vos affaires ?

Je reçois tout à l’heure des représentants du groupe Hi Tech, c’est le spécialiste néerlandais de la chaussure outdoor.  Leur marque leader, Magnum, chausse les armées, les polices, les chasseurs du monde entier. Ils viennent pour découvrir notre travail. Nous sommes en discussion avec plus de 120 marques dont Caterpilar, North Face, Timberland, Nike… Le problème, c’est que beaucoup demandent des exclusivités. Nous avons signé notre premier contrat avec Bouygues pour les équiper d’une chaussure munie de capteurs afin de mesurer la pénibilité au travail.

La concurrence doit être rude…

Nous sommes les seuls et les premiers au monde à nous positionner sur le Footwear connecté. Si nous y sommes parvenus, c’est parce que nous avons vingt-cinq ans d’expérience et d’innovation continue derrière nous. Il y a beaucoup d’acteurs dans l’informatique et l’électronique. Mais qui sait faire des produits qui résistent aux chocs, à la poussière, à l’humidité ? C’est très compliqué car il faut à la fois maîtriser l’électronique et savoir comment la mettre dans les chaussures. Même les Américains de  Fitbit , leader mondial des trackers ainsi que les grandes marques ont essayé d’en faire autant mais ils n’ont pas cette double casquette. Il nous a fallu trois années de Recherche et Développement mais on a réussi ! Du coup, il est aujourd’hui facile pour nous d’imaginer d’autres fonctions que l’on déclenche depuis son smartphone, comme le talon télescopique, la semelle auto chauffante, le laçage automatique… Le marché est énorme  : il se vend chaque année 21 milliards de paires par an. Apple considère que 5% des chaussures seront connectées.

Mais comment avez-vous fait,  vous le petit Algérien expatrié ?

Je suis passionné par l’innovation et je suis deux fois ingénieur (ndlr : Polytechnique Alger et l’Ecole des Mines de Nancy). Durant tout mon parcours, je n’ai rien cherché d’autre à faire qu’innover. A 30 ans, j’ai conçu la chaussure la plus légère du monde, à la barbe des grandes marques, puis la première chaussure de foot pour femme, des kimonos de judo innovants, la « Glagla Shoes », la chaussure la plus aérée du monde…  Je n’ai jamais cessé d’apporter de nouvelles fonctions à nos produits et d’améliorer leur confort. Ce qui me motive, c’est innover et faire des choses uniques. Et non de gagner de l’argent, ça viendra automatiquement.  Là, je me suis engagé dans le projet le plus ambitieux et le plus incroyable de ma carrière. Mon but est de devenir leader mondial du Footwear connecté, faire en sorte que Digitsole devienne l’ Apple de la smartshoes et que Zhor Tech en soit le standard, un peu comme Bluetooth ou Intel Inside. Mashable, le numéro 1 mondial des magazines high tech considère déjà que nous sommes les inventeurs de la première chaussure intelligente. C’est une révolution.

Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

Demain, tous les vêtements seront chauffants. Des Chinois m’ont fait remarquer que les premières  maisons et les premières voitures n’étaient pas chauffées. Il est aujourd’hui inconcevable qu’elles soient dépourvues de chauffage. Il n’y a pas très longtemps, cette technologie était considérée comme un gadget. Elle deviendra systématique. Il y a encore beaucoup de sources d’erreur possible dans le service après-vente, la garantie…  Nous avançons pas à pas, la route est encore longue mais nous sommes les premiers à l’emprunter. Faire un prototype, c’est bien. Mais une fois que vous avez réussi, saurez-vous le produire ? Et une fois que vous le produisez, saurez-vous le  vendre ? Où ? Le rayon bien-être ou le rayon high-tech ? Tout est nouveau sur tous les plans ! De la conception au marketing, tout reste à inventer. Au début, nous imaginions des semelles chauffantes pour le ski, puis pour la moto, le vélo, les chasseurs, les randonneurs…  Nous nous sommes rendu compte que le plus gros marché était représenté par ceux qui travaillent à l’extérieur : dans le bâtiment, la police, chez les pompiers…. Les socker- mums, qui accompagnent leurs enfants sur les terrains de foot et qui attendent dans le froid, nous envoient des mails enthousiastes. Selon une étude canadienne, 30% des maladies d’hiver comme les angines, s’attrapent par les pieds. Amazone USA a vendu 200 paires en une semaine. Les 2000 premières paires ont été vendues l’hiver dernier

Concrètement, où en êtes-vous dans votre projet ? 

Nous avons signé des contrats de commercialisation de nos semelles chauffantes connectées Digitsole avec Boulanger, Darty, Intersport, l’Allemand Mediamarket, le Vieux Campeur. Nous prévoyons la production, ici, près de Nancy des premières paires de chaussures connectées chauffantes entre septembre et décembre. Ce sera une première série test 2000 paires que nous commercialiserons dans 40 pays. Notre chiffre d’affaires pour 2016 atteindra les 10 millions d’€, notre objectif est d’aller encore plus loin

Après le CES de Las Vegas en début d’année, vous prévoyez d’autres salons ?

Nous envoyons une équipe à Salt Lake City à l’Outdoor Show début août et nous serons en septembre à Berlin à l’IFA (Internationale Funkausstellung). Je m’envole pour Londres demain, je vais en Asie en juin, à Taipei, Pékin, Shenzhen, Tokyo et aux Etats-Unis. Ce weekend (ndlr : fin mai) je serai à Doha pour une émission sur Al Jazeera

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes ?

Il faut qu’on arrête de leur demander de s’intégrer, ils sont nés ici, ils sont intégrés de facto. C’est à la société de les intégrer. Pour autant, je leur conseille vivement de mettre leur orgueil de côté. Et j’ai l’impression que ceux qui sont nés en France le sont plus que ceux qui sont nés en Algérie. A la fin de mes études en France, je devais trouver un stage. Sur les 62 lettres que j’ai envoyées, je n’ai eu qu’une réponse. Elle était négative. Je faisais pourtant partie des meilleurs de la promo. Et quand mes camarades de promo me demandaient où est-ce que j’allais faire mon stage, je leur répondais avec ma fierté d’Algérien que je ne savais pas parce que j’avais l’embarras du choix.

Et finalement ?

Je suis allée au culot dans une boîte montée par un ancien de l’Ecole, Promotech. J’ai exigé d’être payé comme tout le monde et en contrepartie je m’engageais à faire le même chiffre d’affaires que les autres employés. J’ai pris des coups mais je n’ai jamais abandonné car j’ai toujours considéré que ce qui ne t’abat pas te renforce. Réussir, c’est d’abord être bien chez soi, avec ses proches.

 

Repères

1967 : Naissance de Karim Oumnia

1990 : diplômé de Polytechnique Alger

1992 : diplômé des Mines Nancy

1993 : création de sa première société.

1998 : Invention de la chaussure la plus légère du monde

1998-2012 : Création de l’équipementier Baliston

2009 : invention de la Glagla shoes

2014 : Création de Digitsole

 

Saïd LABIDI

Twitter @saidlabidi

 

  • Article paru dans le #N4 de Djazair magazine

 

Photo journaliste Said labidi

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