Les femmes doivent oser parler de leur parcours d’excellence !

Les femmes doivent oser parler de leur parcours d’excellence !

P résidente d’Essilor Vision Foundation, Présidente de Valoptec Association et administratrice d’Essilor numéro un mondial des verres correcteurs présent dans plus de 100 pays, Aïcha Mokdahi, parcourt le monde. Son job? Redonner une bonne vision aux populations démunies. Une mission « d’utilité mondiale » pour cette femme habituée aux challenges. Rencontre.

Vous êtes présidente d’Essilor Vision Foundations. Dans quels domaines intervenez vous?

La mauvaise vision est l’handicap le plus répandu dans le monde car il touche 60% de la population et les politiques de santé publiques ne sont pas à ce jour suffisantes pour éradiquer ce handicap. 30% des enfants sont concernés et la réussite scolaire passe par une bonne vision.

2.5 milliards de personnes ne bénéficient pas de la correction visuelle dont elles ont besoin pour des raisons de méconnaissances, culturelles, et le difficile accès à un professionnel de la vue notamment dans les régions rurales.

L’impact économique et social est énorme : c’est plus de 272 Milliards de USD de perte de productivité mondiale lié à la mauvaise vision.

Essilor dont la mission depuis son origine en 1849 : « bien voir pour mieux vivre » a décidé de renforcer les moyens pour apporter une meilleure vision à ceux qui ont en besoin dans le monde et qui n’ont pas accès. Nos initiatives ont démarré dès 1990 et avons mis en place la 1ere Fondation   en 2007 aux US avec des actions dédiées pour les enfants, c’est plus de 60 000 enfants qui sont examinés chaque années et équipés de lunettes correctrices si nécessaire.

Aujourd’hui, vous êtes active dans le monde entier…

Oui. Nous avons déployé nos actions partout dans le monde depuis 2 ans avec un focus particulier sur la Chine, l’Inde, la France et l’Afrique. A ce jour nous avons examiné plus de 1 million de personnes et équipés 300 000 de lunettes correctrices et beaucoup reste à faire … c’est un travail de long terme.

Vous faites partie du Board du groupe Essilor. Vous en avez gravi des échelons. Quelles ont été les étapes cruciales de votre parcours?

J’ai fait toute ma carrière dans ce groupe. A travers mon engagement et mon travail reconnu par les équipes dirigeantes, j’ai pu accéder à des postes à responsabilités.  Durant ces 38 ans dans le Groupe, la confiance  et le support de mes  managers  mais aussi de mes équipes ont été déterminants dans ma carrière. En parallèle de ma fonction de Directeur Supply Chain Europe,  les salariés, les premiers actionnaires du Groupe, m’ont confiée la présidence de Valoptec.

De quoi s’agit-il?

C’est une association qui regroupe près de 10 000 salariés actionnaires dans 40 pays. J’ai rejoint les instances de gouvernance du groupe : le board, les comités stratégique, audit , nomination et RSE et consultée par le comité des mandataires. Depuis fin 2013 le Groupe m’a confié la Présidence de la Fondation  qui  me permet d’accompagner cette noble  mission de l’entreprise.

 

A ce niveau de l’entreprise, en tant que femme, vous devez vous sentir bien seule. Comment vous êtes vous imposée dans ces sphères de pouvoir réputée pour être dominées par les hommes?

Pas tant que cela, je suis entourée de nombreuses femmes qui ont réussi en interne chez Essilor ou dans mes relations externes. Les médias ne font suffisamment pas état de toutes ces réussites ou se focalisent parfois sur les mêmes personnes. Je dis aux femmes de se mettre plus en avant et de parler davantage de leur parcours souvent magnifique mais parfois ignoré.

Dans la communauté maghrébine, j’ai rencontré à chaque évènement des femmes issues de grandes écoles en ayant des responsabilités dans de grands groupes, mais c’est vrai qu’elles se font trop  discrètes.

Vous arrivez en France à 7 ans. Quels souvenirs en gardez-vous?

Un choc thermique!  Je suis arrivée fin septembre sous la grisaille et le froid  et je n’ai pas retrouvé cette lumière et température si habituelles dans mon pays. A cela s’est ajouté  la retenue des français s’est faite ressentir.

Votre intégration a mal démarré…

Ma première année scolaire a été difficile. Je ne maitrisais pas le français. Et puis ma première enseignante avait décidé de me laisser en marge de la classe. Les séquelles de la guerre étaient encore trop présentes des deux côtés.

Mais en en deuxième année, ma rencontre avec un enseignant exceptionnel a été une révélation.  Porteur des valeurs de l’école républicaine, il m’a mis le pied à l’étrier. Il m’a  donné  la confiance si nécessaire pour se surpasser et rattraper mon retard scolaire.

L’école républicaine,  le soutien de plusieurs enseignants et celui de mes parents adoptifs  jusqu’à l’université  ont été  pour moi déterminants dans mon parcours.

Quel lien gardez vous avec l’Algérie? Projetez vous par exemple d’impliquer la Fondation en Algérie?

Je suis revenue en 1969 soit sept ans après mon arrivée en France et j’y suis retournée régulièrement chaque année afin de retrouver ma mère et le reste de ma famille. Mon oncle qui m’a recueillie souhaitait garder le lien  avec notre pays d’origine, comme tous les immigrés des années 50 qui caressaient ce rêve de voir leur enfants retourner au pays un jour. Si ma vie est maintenant en France depuis 52 ans, j’ai gardé des liens étroits notamment à travers des initiatives  culturelles ou associatives. J’ai tenté de créer quelques passerelles entre mes deux pays.

La fondation compte t’elle s’investir en Algérie?

Sur le plan des activités de la Fondation Essilor , nous avons bien entendu des projets en Algérie, nous y travaillons pour que cela puisse démarrer dès que possible. Plusieurs millions de personnes en Algérie ont besoin d’accéder à la santé visuelle et nous aurons besoin du support de tous les acteurs locaux,  les professionnels de la vue,  les ONG et des ministères de la santé et de l’éducation pour mettre en place les actions nécessaires pour accompagner les programmes de santé visuel existant ou à créer.

 Vous vous définissez comme « le fruit de la méritocratie » Ressentez vous que les jeunes Français d’origine algérienne sont en panne de modèle?

Je suis fière de l’être au même titre que d’autres. Il faut se rendre à l’évidence. Nous avons deux situations qui cohabitent dans notre  communauté.

Il y a ceux qui réussissent et intègrent de grandes écoles. J’en connais beaucoup. Je suis membre d’une association qui regroupe les diplômés issus des grandes écoles et qui ont rejoint des grands groupes en France ou à l’international.

Ils ont eu probablement plus de chance que d’autres du fait de l’environnement familial mais ils ont surtout décidé de s’en sortir en mettant  l’excellence au cœur de leur objectif de réussir. J’en connais qui sont issus de milieux ouvriers, qui ont mené des études brillantes et intégré des grands entreprises.

D’autres, malheureusement, n’ont pas accès à un enseignement de qualité. Ils vivent dans  un environnement familial socio-économique difficile. Il faudrait donner un coup de pouce pour leur redonner plus confiance et l’envie de réussir.

La situation actuelle en France avec les douloureux évènements passés repose sur  cette question du rôle de l’école dans l’intégration et la réussite des enfants de notre communauté. Plus que jamais l’école redevient une vraie priorité dans la qualité de son enseignement et du rôle qu’elle doit jouer dans l’intégration. Les parents ont aussi leur rôle dans l’accompagnement des enfants .

Les Franco-algériens sont de plus en plus nombreux à vouloir entreprendre en Algérie. Que leur conseillez vous pour réussir?

Dans le cœur de chaque Algérien, faire bénéficier notre pays de son expérience  est un devoir.  Je leur dis allez y, portez des projets  utiles pour le pays , et créer les passerelles nécessaires à nos deux pays!

Nadia Henni Moulai

#N1 Djazair Magazine #CesfemmesQuiFontL’Algérie

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