F ace à la digitalisation de l’économie, internet offre du pouvoir aux consommateurs. Un constat que Nordine Ghilli et Seïd Ferrat ont bien saisi. Ils viennent de refondre le site de l’entreprise ELAMEN fondé avec Haj Ahmed Sadik en Mars 2000, afin d’y apporter un service dématérialisé pour aider à l’organisation des obsèques musulmanes. Un changement de pratiques pour le bien des familles en deuil.
Quand le numérique transforme le secteur funéraire. Le choix de ‘ELAMEN’ comme nom de l’entreprise a été beaucoup réfléchi et pose d’emblée les jalons de nos engagements envers les familles, celui de ‘Dépôt de confiance’ indique Nordine Ghilli. « L’ambition d’ELAMEN est de faire gagner du temps et de soulager les proches en les accompagnant durant ces nombreuses étapes », explique Nordine Ghilli. Concrètement, le service propose « un lien internet à partager via les réseaux sociaux personnels renvoyant à une page du site : ‘Avis de décès-Janaza’. L’internaute y trouve ensuite toutes les informations pratiques relatives au déroulement des funérailles. « Heure et lieu du lavage rituel, du recueillement et de la levée du corps et de la prière », détaille-t-il et peut laisser ses condoléances si il le souhaite, « une belle sounna » précise Haj Ahmed Sadik.
Un marché comme un autre ?
Avec 4,1 millions de musulmans en France, le secteur du funéraire représente un marché réel. D’après les chiffres du CFCM, 80% des familles concernées rapatrient le corps de leur proche contre 20% qui optent pour un enterrement en France. Il existe, donc, un marché non négligeable dans lequel les trois entrepreneurs souhaitent innover.
D’autant que les obsèques musulmanes suivent un protocole plutôt éreintant pour les familles. D’abord parce que « les obsèques musulmanes sont plus chronophages que dans les autres confessions, du fait de l’exhortation à enterrer nos défunts dans les plus brefs délais et dans le respect des règles de l’Islam. « Une procédure longue qui doit pourtant se dérouler sur deux ou trois jours », relève Nordine Ghilli. Ensuite parce que « le choix d’une société de pompes funèbres, la préparation du voyage des accompagnateurs, le recueillement, informer tout le monde de la levée du corps ou encore la réception des condoléances de façon directe ou par téléphone compliquent ce moment déjà douloureux », complète Seïd Ferrat. ELAMEN résout donc un problème sociétal : accompagner mais surtout soulager les familles musulmanes.
Simplifier le deuil
L’entreprise qui mise sur des services à « valeur ajouté » a aussi lancé un service « dédié aux démarches post-mortem ». L’interface qui fonctionnera comme un portail permettra aux internautes concernés de mieux gérer le volet administratif qui découle d’un deuil. « L’idée est de faire en sorte qu’ils puissent se soustraire à la trentaine de courriers destinés aux différentes administrations sans passer par à un service payant ». Ainsi, une fois les données enregistrées -identité, lieu de résidence, lien de parenté, date de décès, etc.-, l’internaute est dirigé vers le destinataire, impôts, banques ou encore assurance…ELAMEN lui propose, également, un modèle de texte ou encore le type d’envoi à respecter. Des détails qui facilitent ces démarches parfois délicates. Et comme les entrepreneurs ont pensé à tout, Elamen met à disposition une plateforme téléphonique ouverte sept jours sur sept pour toutes les questions relatives au volet administratif durant trente jours à compter du premier login avec les identifiants que les conseiller(e)s funéraires remettent aux familles après les obsèques, « nous estimons que cette action est une deuxième étape distinct » ajoute Radhia Mihi, coordinatrice des projets. Pour les personnes moins familiarisées, un livret est remis avec pour chaque page un organisme et le descriptif des procédures à suivre complété par les formules appropriées.
Obsèques « participatives »
Mais l’offre d’ELAMEN va plus loin. La question du coût des obsèques reste une question délicate pour les musulmans les plus désargentés. Après avoir constaté la multiplication de chaines de « SMS annonçant une quête pour répondre à une facture obsèques dont les proches, parfois inexistant, sont démunis », Nordine Ghilli a eu l’idée de soutenir les bénévoles qui s’investissent sur cette question.
« C’est un engagement désorganisé, fastidieux et long pour l’association qui entreprend la quête. Les bénévoles vont de donateurs en donateurs récolter de petites sommes cumulées au fil du temps. Une mission parfois longue pour les personnes engagées d’autant que les défunts peuvent rester plusieurs semaines en conservation ».
A tout problème, sa solution. ELAMEN a, donc, mis en place, sur l’idée du Crowdfunding, une plateforme nationale sur son site. L’outil permet à toute association- « une entité strictement juridique garantissant la véracité de la situation après une courte investigation- de nous solliciter », la partie lourde du développement et des autorisations juridiques est terminée, un film d’animation en préparation va permettre d’informer les associations cultuelles & culturelles de ce service.
La collecte au profit des démunis sera lancée sur le site fin mars. L’association présente ses activités et la situation de la demande. Apparaît, ensuite, sur cette page la somme des obsèques et un numéro de devis afin de l’authentifier. Chaque personne peut faire un don et apparaître comme donateur avec son nom ou son entité ou choisir de garder l’anonymat. La quête est stoppée dès le montant atteint et ne peut durer plus de 30 jours. Chaque Mouhcine récupère un reçu pour faire valoir ses droits. Afin de favoriser la diffusion de l’information, Elamen compte s’appuyer sur les réseaux sociaux pour faire connaître cette innovation. « Internet révolutionne aussi les obsèques ! ».
Nadia HENNI MOULAI
*Article paru dans le N°3 de Djazair Magazine