À l’heure de l’intelligence artificielle, des GAFAM, du big data, des voyages sur Mars… Tout va très vite. Même une maladie va plus vite que la science qui tente tant bien que mal de la rattraper. Et pendant tout ce temps où l’on nous parle de vagues épidémiques successives, en plus de celles socio-économiques, qu’en est-il des vagues psychiatriques ?
La crise que nous traversons hante tous les esprits. Et c’est chose très logique. Bien que ce n’est pas faute d’avoir essayé tous les remèdes pour ne pas trop y penser, mais la conscience collective, soumise à un matraquage médiatique incessant, rend l’affranchissement de cette actualité chose difficile à concevoir. Pour y échapper, même de manière illusoire, certains tentent le déni, d’autres l’insouciance, pendant la plus part d’entre nous se sont réfugiés dans un mécanisme connu en psychologie et qui est celui de la prostration. Chez les animaux, ce mécanisme se traduit par une simulation de fausse mort devant le prédateur. Cette absence de mouvement, quoique risquée, constitue le dernier recours d’une bête qui n’a plus les moyens de se défendre et encore moins la possibilité de fuir le danger. Le prédateur peut donc achever sa victime, ou bien, finir par se lasser et l’abandonner. Dans l’organe psychique humain, lorsque la tension semble extrême et devient difficilement gérable, le mécanisme de prostration se manifeste dans un état d’abattement et d’abolie à la fois physiques, mentaux et intellectuels. En gros, la dépression. Or, cette même dépression a un ami, un allié de taille, il est celui de l’isolement. De ce fait, comment sortir de l’isolement, alors qu’en l’absence d’un remède efficacement prouvé, nous sommes tous sommés d’observer des mesures de distanciation sociale ? Le cercle s’avère donc vicieux, le piège se referme et on se sent enserrés, acculés et dépourvus de toute marge manœuvre !
Heureusement, pour ceux qui savent s’adapter à un monde intenable, et ce en toutes circonstances, existe en dépit de tout une force insoupçonnée chez tout être humain. Cette force est celle de la résilience. Le psychisme humain est doté de ce mécanisme de défense qui rend malgré tout à l’individu une souplesse mentale capable de le sortir des pires situations. En somme, une sorte d’amortisseur mental. La résilience en psychologie, pour la matérialiser, ressemble à cette loi physique qui permet à titre d’exemple à une éponge de retrouver sa forme initiale peu de secondes après avoir été soumise à la force compressive d’une main. Il en est ainsi pour les capacités d’adaptation humaines aux situations et pressions extérieures comme celles intérieures. La résilience, non pas la résignation (synonyme d’abandon), est cette énergie silencieuse que tout un chacun peut puiser dans les bas-fonds de son fort intérieur. Car, et non pas pour continuer à être alarmiste et par-là tout pour ne jamais verser dans le culte du pessimisme, le monde en désordre est déjà en marche. La mécanique destructrice a pris son entame bien avant l’arrivée de ce satané virus. Les changements et dérèglements climatiques nous promettent d’autres difficultés à venir. L’extinction de la biodiversité, les pollutions massives et généralisées, les crises sociales, économiques et politiques… Celles-ci sont tant de problématiques majeures que l’adversité nous oppose dors-et-déjà comme dans une prédestination mauvaisement présagée.
La résilience comme arme de défense massive peut donc être chose salvatrice. Cette résilience peut se cultiver. Dans le champs de l’individualité, certains lui trouvent des sources irrigatrices dans la foi, la lecture, les arts, les liens sociaux immédiats, la réflexion, la thérapie existentielle, la bienfaisance, la reprise de contact avec la nature… Le tout dans une réparation constante et continue de son organe psychique souvent et inévitablement abîmé par les épreuves qu’engendre l’expérience que chacun de nous fait du monde. Quant aux aspects collectifs de cette résilience à retrouver, et dans l’urgence, elle peut se définir dans la quête d’un idéal planétaire commun, plus juste, plus équitable et plus respectueux de toute entité existante sur terre. La prostration ou la résignation, lorsqu’elles concernent l’ensemble de la collectivité, sont synonymes de soumission. La résilience, quant à elle, est souvent annonciatrice du premier symptôme guérisseur des révolutions. Le premier des soulèvements doit être d’ordre moral : un nouveau monde doit naître. Face à la doctrine néfaste de l’infiniment grandiose auquel on veut nous faire croire, il faut lui opposer celle de l’infiniment petit qu’est l’être humain dans ce monde. Riche ou pauvre, natif du Nord ou du Sud, parlant tel ou tel dialecte, ami des puissants ou ennemi des faibles… Les résiliences, individuelle ou collectives, doivent mener à mieux supporter le monde, à mieux le vivre, à mieux cohabiter avec le vivant. Le tout dans le respect le plus stricte de sa dignité environnementale.
Azeddine IDJERI