18 fév 2018 (APS)- Un essai appuyé sur une lecture critique d’une centaine de romans d’auteurs français sur « la Guerre d’Algérie » a été publié récemment par Rachid Mokhtari, sous le titre « La guerre d’Algérie dans le roman français ». L’ouvrage est édité en deux tomes, « Esthétique du bourreau » et « Elégie pour une terre perdue », par Chihab.
Dans le premier tome, « Esthétique du bourreau » (461 pages), l’auteur -pour qui le terme « Guerre d’Algérie » renvoi à toute la période coloniale (1830-1962)- s’intéresse d’abord aux écrits ayant accompagné la colonisation de l’Algérie, particulièrement à l’œuvre d’Eugène Fromentin, artiste peintre et auteur de « Un été dans le Sahara » (1857), et celle de André Gide auteur de « Les nourritures terrestres » (1897). Rachid Mokhtari compare ces deux ouvrages et croit déceler une volonté de « poétiser la conquête », c’est-à-dire la colonisation de l’Algérie.
Il souligne également le contraste entre deux grandes sagas de la littérature française: « Les chevaux du soleil » publiée en six volumes par Jules Roy à partir de 1967 et la trilogie « C’était notre terre » (2008), « Les vieux fous » (2011), et « Un faux pas dans la vie d’Emma Picard » (2015) publiée par Mathieu Belezi, pour confronter des conceptions différentes d’une de ce qu’il appelle la « fresque de l’Algérie pré 1954 ».
Un autre chapitre est également dédié à « la victime en uniforme », l’image littéraire du militaire français (engagé volontaire, parachutiste, appelé du contingent…) qui « se donne à lire dans sa misère de victime de guerre ».
Dans le même ordre d’idées, l’universitaire s’intéresse à l’image littéraire du parachutiste français, antithèse du soldat du contingent. Une image passant du « spécialiste de la gégène » au « symbole de l’honneur de la nation » donnant naissance au « mythe du para », « une nébuleuse qui entrave le témoignage des victimes au profit des propos fantasques du bourreau ».
Le second tome de cette essai, « Elégie pour une terre perdue » (288 pages), se penche sur les écrits de « pieds-noirs » qui ont entamé des retours, réels ou imaginaires au « paradis perdu ». Dans ces écrits, « la guerre s’efface pour ne devenir qu’un écho », analyse l’auteur.
Rachid Mokhtari évoque la « nostalgérie du pied-noir » et le traumatisme de « l’exode de 1962 » à travers « Au pays de mes racines » (1980) de Marie Cardinal, un roman qu’il qualifie d’ « autoanalyse thérapeutique » où la romancière revient « à la rencontre d’une nouvelle Algérie ».
Ce concept se décline de manière plus « nostalgique et inconsolable », comme dans le « roman-complainte », Maman la blanche (1982) de Alain Vircondelet, écrit l’auteur.
Dans cette production d’écrivains pieds-noirs, l’universitaire signale les rares écrits évoquant la guerre et les horreurs dont les auteurs étaient témoins directs et parfois impliqués eux-mêmes, à l’image de Jean-Noël Pancrazi et de Marie-Christine Saragosse.
Rachid Mokhtari a également sélectionné deux autres groupes de romans, les carnets de retour en Algérie et les récits de « retour généalogique » sur les parcours intimes de familles pieds-noirs.
Universitaire, romancier et journaliste, Rachid Mokhtari a publié plusieurs ouvrages consacrés à la littérature algérienne dont « Tahar Djaout, un écrivain pérenne », « Le nouveau souffle du roman algérien » ou encore « La graphie de l’horreur ».
APS