O n est toujours tenté de dire que le travail de composition et de témoignage commence à partir des discours littéraires. Ce qui n’est pas faux, ou du moins pour l’homme politique qui ne se soucis guère de neutralité quand il s’agit de conquérir le pouvoir. Tandis que le fonctionnement de ce montage nécessite un travail de littérateur factuel, en sommes, la vérité plus au moins à la recherche de la vérité. Cette fonction incombe à l’écrivain libre de faire irruption dans des faits pour apporter, voire, trouver l’arme du crime tant recherché pour la bonne appréhension du lecteur même si la littérature engage sa responsabilité. Ce dernier a toujours affaire avec une écriture mue par une exigence dénonciatrice et libératrice à travers ce que l’on appelle la géoctitique. La littérature vise à attirer l’attention des lecteurs sur des problèmes particuliers mais pas à refaire de l’histoire
Tel est le cas dans l’ouvrage, les chercheurs d’os de Tahar Djaout. Cet ouvrage se présente comme un roman. Mais au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture, on s’aperçoit vite qu’il s’agit d’un texte hybride et parodique, situé à la croisée d’un roman d’apprentissage, du conte, du récit autobiographique et historiographie. Quitte sa maison à la recherche au peigne fin du corps (« des os ») de son frangin, le narrateur parfois sur un pied d’enfant, parfois sur un pied d’adolescent, conte avec un pseudonyme naïvement surprenant et sur un mode non linéaire, à la sortie de son bourg de la colline de la Kabylie se trouve une trajectoire, une piste d’une Algérie qui lui était inconnu jusque-là.
Outre sa dimension esthétique, les labyrinthes des chemins temporels entre période coloniale et indépendance, ce texte de Tahar Djaout se définit par un emportement allégorique singulier. En effet, l’allégorie revêt ici une importante orientation qui permet d’une part de mener une critique sévère sur l’armé colonial et la politique de l’Algérie indépendante et d’autre part de réévaluer le statut des discours fictifs (normalement propres à la littérature). Ce faisant, ce texte hybride remet en cause toutes les vérités sur lesquels s’appuient les discours historiques et il interroge les possibles de la littérature dans son rapport à l’histoire, si on s’arrête à cette lecture on peut dire que Tahar Djaout est un historien qui s’est intéressé aux phénomènes culturels notamment de l’Algérie tout en revendiquant l’autonomie de la littérature. Tahar Djaout est resté l’un des maitres à penser de la littérature engagé.
« …Seuls sortaient de leur gorge des soupirs et des grognements…Cette lutte ardue avec le plat dura une bonne demi-heure puis, après une formule glorifiant le Dieu généreux des mets carnés prononcés à voix haute, les trois guerriers déposèrent en même temps leur cuiller…L’image de ce repas effarant m’a hanté durant plusieurs jours.» p 54
Tahar Djaout, les chercheurs d’os, éd, Seuil, Paris, 1984
Par : Mokrane Maameri