T out œuvre littéraire a son univers mais chaque auteur a sa propre histoire. En effet, si la parole a une structure horizontal, ses secrets demeurent sur la même ligne que ses mots en ce qu’elle cache est dénué par la durée même de son contenu ; dans la parole tout est offert, destiné à une usure immédiate, et le verbe, le silence et leur mouvement sont précipités vers un sens aboli : c’est un transfert sans sillage et sans retard. L’’écrit, au contraire, n’a qu’une dimension vertical, il plonge dans les souvenirs enfouis dans le corps de l’écrivain. C’est à ce niveau global que se défini le dernier livre sous le viaduc une histoire d’amour de Leila Sebbar.
Dans cet ouvrage, Leila Sebbar renoue avec un genre que l’on croyait révolu, puisqu’elle s’était mise implicitement au niveau de la liaison auteur-narrateur, et donc elle signe en quelque sorte un pacte autobiographique sous forme de journal intime. Certes, le roman du XVIIe Siècle s’était constitué en imitant les différentes formes (mémoires, Lettres, et, au XIXe Siècle, journal intime. Mais le paradoxe c’est que l’ouvrage de Leila Sebbar n’est pas seulement intime, il est aussi collectif, car au fur et à mesure de la lecture, on découvre un texte pris à la fois par ses propres déambulations, ses activités et ses observations personnelles dans un espace ouvert et urbain précis du XIIIe arrondissement de Paris.
En ce cas Leila Sebbar, partant de l’écriture de soi, rejoint les grands auteurs classiques qui soit de passage ou lors d’un long séjour à Paris se considéraient comme des flâneurs à la quête de l’écriture de soi, notamment, l’américain Henry James qui a développé la notion de piéton pour flâner, jusqu’au Turque, prix Nobel de la littérature en 2006, Orhan Pamuk . Leila Sebbar décrit les quartiers et les lieux les plus insolites de Paris des arts et nous livre ce que l’auteur des fleurs du mal Charles Baudelaire, lors de ses promenades parisienne, avait écrit; « à l’heure ou sous les cieux Froids et clairs le Travail s’éveille ». Le titre du livre peut-être trompeur, car l’auteur délimite son ouvrage dans un espace unique et une histoire singulière, ce viaduc du métro aérien, boulevard Blanqui, à Paris, où vit une humanité de malheureux, de marginaux et d’exclus de la société, pour la plupart des émigrés.
« C’est l’été. Ils ont changé de territoire. Comme les nomades anciens qui ne laissent aucune trace du campement à leur départ. Des pigeons désemparés par le vide. Désert sous le Viaduc. Sous le balcon, le kilim et les draps d’un blanc douteux. Dehors, personne. » p. 37
Leila Sebbar, Sous le viaduc, une histoire d’amour, Bleu autour, 2018, 120 p.,
Par MOKRANE MAAMERI