S i l’année 2008, date à laquelle Akli Tadjer est couronné par un prix auféminin, prix des lecteurs du Var pour son ouvrage : Il était une fois… peut-être pas, avait posé ses jalons, cette distinction ne lui monte pas à la tête, au contraire l’auteur Akli Tadjer, d’origine Algérienne, n’a de cesse de nous étonner, nous emporter à travers ses romans mêlant sentiments, niaiseries et surtout dissipant les mystifications. Aujourd’hui, il revient avec « La Vérité attendra l’aurore », un roman plus poignant que ses précédents, toujours bouleversant mais tout en recul, et qui soulève quelques points relatifs à l’histoire, au secret de famille, à la migration et à la tyrannie du temps qui passe. A lire absolument…
Les personnages
Dans l’incipit, la première personne, « je » est omniprésent, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une fiction avec un soupçon du réel, et d’autant plus un roman-autobiographique. « C’est un peu un double littéraire, car le personnage principal, le narrateur, me ressemble, disait-il lors d’une interview sur TV5 monde le 8 avril 2018.
Ce narrateur est Mohamed d’une cinquantaine d’année, né et vit en France, de père et mère immigré Algérien, ébéniste dans un beau quartier Parisien, jusqu’au jour ou la solitude le rattrape de plein fouet auxquels s’ajoutent les démêlés avec son père en mal de peau. Mohamed se retrouve hanté par des souvenirs dont il ne s’est jamais remis de la disparition de son frère adoré Lyes, en Algérie pendant la décennie noire, tombé dans un guet-apens, mais lui est parvenu à s’enfuir. Et ce n’est que vingt cinq ans après, quand Houria une jeune femme habitant le quartier le plus huppé d’Alger a publié un étrange message sur le compte Facebook de Mohamed…
On constate rapidement que deux époques traversent Mohamed ; une époque d’une enfance tantôt joyeuse, tantôt lugubre mais insouciante et une époque d’adulte plus terne, plus posé, mais ponctué d’interrogations. Des « si je savais… » qui torturent Mohamed pétrifié par des profonds regrets
La femme est majestueusement présente au fil des chapitres de l’ouvrage.
Si bien que l’axe de l’histoire soit centré sur Mohamed et le sort de son frère Lyes, les femmes dans ce roman en constituent la charnière.
Houria la mystérieuse du Facebook qui souffle sur le chaud et le froid, Mohamed retient son haleine.
Nelly, l’ex petite amie de Mohamed, difficile mais conciliante et douce, une ex, en réalité il ne l’a jamais oublié. Plus le temps passe, plus il l’idéalise « Nelly reste toujours dans un coin de ma tête » P.92
La mère : Que Mohamed désigne par le déterminant défini « la mère » et non par le déterminant possessif « ma mère » cette froideur ou cette distance entre lui et sa propre mère se caractérise par le fait que sa mère préfère Lyes car brillant, un génie à l’école alors que Mohamed était trop bruyant à ses yeux.
De l’intrigue au dénouement
Au décès de sa mère, Mohamed s’engouffre dans son passé. Le personnage d’Houria va l’influencer dans son départ pour l’Algérie, après quelques années suivant la mort de son frère Lyes. L’intrigue se dénoue, on frisonne comme dans un roman polar et puis surtout, on n’a plus envie de lâcher le roman. L’auteur Akli Tadjer met en lumière son narrateur, repère le moment et donne souffle au rythme.
La littérature comme roman national
L’identité est omniprésente
En conclusion : Akli Tadjer met un brin de sel sur la recette notamment sur les cicatrices pas vraiment guéries de l’Algérie qu’il aime par dessus tout, il porte un œil critique et à la fois aimant sur son pays d’origine en l’occurrence l’Algérie et son pays d’adoption qui est la France et qui se voit comme étant un trait d’union. On dit souvent qu’il y a une science de la morale dans la discipline créatrice, mais dans le cas d’Akli Tadjer, au moins à la lecture du roman on sent une longue conversation de double identité.
Drôles
La plume de Akli Tadjer ne s’arrête pas là où le politiquement correcte s’approprie les libertés lui non plus ! La source coule, le ruisseau roule et s’en roule. Le verbe, le mot sont toujours ponctués de métaphore et d’expressions drôles. Puis à mesure qu’il flânait des impasses pour trouver la racine du réel – et drôles- de ses anecdotes, Akli Tdjer s’élevait vers les hauteurs de l’ironie et de l’humour, et c’est dans cette tension qu’il trouvait – et le mot est à prendre littéralement – son style : son inspiration, c’est-à-dire cet élan de créativité qu’on ne trouve que dans cet ouvrage
Extrait
« La nuit, j’avais peur de m’endormir car le même cauchemar récurrent m’attendait. Lyes, dans le fossé, se faisait dévorer par les chacals et m’appeler à l’aide. Chaque matin, je me réveillais en rage et je m’en voulais d’être toujours en vie. »
LA VÉRITÉ ATTENDRA L’AURORE,
PAGE, 130
Par Mokrane Maameri