L a pièce de théâtre « Kechrouda » (la décoiffée), une projection, conçue dans le registre de la comédie noire sur la période critique de l’après pétrole, a été présentée mercredi au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), devant un public nombreux et recueilli.
Durant 85 mn, le spectacle, écrit et mis en scène par Ahmed Rezzag, renseigne sur le destin désastreux d’une société qui voyait en la manne pétrolière une source de vie intarissable et qui se voit violemment frappée par la précarité et le désarroi, faute de création de richesse et de nouvelles sources de vie.
Vivant dans la misère et la pauvreté, huit personnages roturiers, aux accoutrements déchirés, évoluent dans une maison à l’état de délabrement avancé, dans un environnement socio-économique devenu impitoyable, où le débit même des échanges de propos est minuté et soumis à l’impôt que Zoheir Atrous, autoritaire, venait régulièrement récupérer.
De « Soussa », en liaison avec « Mansour » le garçon de café du quartier, à la mère « Yamina » atteinte de cécité, au père « Ahmed » qui vend sa demeure pour soigner sa femme, à la grand-mère râleuse, au frère M’Barek le pompier qui revient au foyer après s’être fait renvoyer par sa femme et enfin au « vétérinaire », venu rendre la vue à Yamina, les personnages ont réussi à décrire le désordre familial et le cataclysme social, dans la satire et le jeu ubuesque.
Respectivement rendus par Loubna Noui, Ali Achi, Sabrina Korichi, Hichem Guerah, Haouès Mohamed, Larbi Bahloul, Riadh Djefafla ainsi que l’agent des impôts, Zoheir Atrous, les comédiens, occupant tous les espaces de la scène, ont brillamment porté la densité du texte dans un rythme ascendant aux échanges alarmants suscitant la réflexion.
La scénographie, œuvre de Ramzi Badji et les ambiances musicales, préparées par Adel Lamamra, ont donné au spectacle un aspect visuel et sonore de vétusté et d’angoisse des plus concluants, constituant des éléments dramaturgiques qui ont aidé à saisir la pertinence du sujet traité.
Le metteur en scène, assurant une bonne direction d’acteurs, a su donner à son texte, au parler populaire direct et cru, une conception scénique appropriée, créant l’osmose entre deux créations aux contenus utiles, judicieusement présentés dans le rire et la dérision.
Le public, applaudissant les différentes situations empreintes d’allusions et de métaphores, a adhéré au spectacle, saisissant dans la délectation l’importance du message qu’il contenait.
« Rien n’est éternel, cette pièce est une modeste réflexion sur la valeur du travail et de la recherche » a commenté Ahmed Rezzag, à l’issue du spectacle, avant d’ajouter qu’il entendait « repousser davantage les limites de la langue intermédiaire », offrant au propos des « espaces d’expression plus réalistes ».
Près d’un mois après sa présentation pour la première fois au Théâtre régional « Si Djillali Benabdelhalim » de Mostaganem. « Kechrouda » arrive à Alger, au terme d’une tournée qui l’a également menée à M’Sila, Batna, El Eulma et Tizi-Ouzou.
Produit par le Théâtre régional de Souk Ahras, la pièce de théâtre « Kechrouda » est reconduite jeudi au Tna pour une deuxième représentation.
APS