Vie et œuvre d’un savant herboriste andalou dans l’Orient ayyoubi de du 13esiècle-Mercredi 1er février 2017 à 18h30 au Centre Culturel Algérien à Paris
Ibn Baytar et la Botaniste de Damas
Né à Malaga en 1197 dans une famille de médecins et vétérinaires de cette ville, Ibn Baytar fit ses études à Séville et herborisa dans toute la région sans doute accompagné par l’un de ses maîtres : le grand spécialiste de la botanique : Abou’l Abbas Ahmed Al Nabaty dit encore AL Roumiyya. Fin connaisseur des substances et drogues médicinales, ce maître incontesté lui enseigna une méthode de travail rigoureuse et critique. En outre, il initia le jeune Ibn Baytar à la découverte des travaux antérieurs des plus anciens savants dont les Grecs Dioscoride et Galien, omniprésents dans l’œuvre d’Ibn Baytar, puis à celle des savants de toutes les origines possibles y compris indiens cités dans ces Traités et encore de ceux de leurs compatriotes, dont le botaniste andalou de Cordoue, mort vers 1150 : Abu Jafar Al Ghafiqi. Ce savant est très souvent cité dans l’œuvre de notre pharmacologue. Sa description méthodique des plantes médicinales est d’une impressionnante précision.
Mais son œuvre est perdue et les extraits connus figurent dans les seuls chapitres du traité d’Ibn Baytar qui reprend largement les observations de ce maître auquel il est très attaché et autant qu’ à Abou’l Abbas Ahmed al Nabaty …Alors qu’il n’a que 20 ans, Ibn Baytar quitte l’Andalousie, peut-être parce que l’Andalousie d’alors se délite et s’éteignent, avec la Reconquête chrétienne, les petits royaumes (Taifas). Cordoue, par exemple, est déjà conquise quand Ibn Baytar arrive à Damas et y rédige l’ œuvre qui nous intéresse. Il exprime sa tristesse de la perte de cette ville alors qu’il décrit certaines plantes qu’il y ramassait autrefois : « Que Dieu – soupire-t- il, la rende à l’Islam ». Mais il est certain que le voyage aux grandes et riches cités d’Orient était rendu nécessaire pour tous ces savants qui étudiaient dans ces grands centres de savoir. D’ailleurs, ils étaient attirés par les souverains d’Orient. Ainsi les derniers sultans ayyoubides les attachaient aux services de leurs hôpitaux. Le jeune mais déjà très renommé Ibn Baytar deviendra Chef des herboristes au Caire et à Damas sous les règne de AL Malik all Kamil et de son fils, le dernier des souverains ayyoubides : Al Malek al Saleh Ayyoub qui lui commandera la rédaction de ses Traités.
La rédaction du Traité des Simples achevé, l’original ou l’une des copies – ou plusieurs – parviendront sans doute en Egypte, alors que ce sultan agonise, que les Croisés attaquent l’Ayyoubide et que Chajarat Al Dour esclave puis favorite d’Al Saleh et devenue sultane, s’emploie à repousser les assaillants chrétiens une dernière fois arrivés de l’ouest. Les amis de cette belle et intelligente Circassienne, à la mort du sultan devenue reine, sont mobilisés pour reprendre le pouvoir. Ils sont ces esclaves mamelouks parmi lesquels émerge la figure de Baybars, et qui sont employés depuis des années dans les armées des sultans. Chajarat assassinée par l’un deux, ils s’installeront sur le trône vacant d’Egypte. Dans ce monde arabo-musulman en proie à d’incessants conflits, les voyages des savants, étrangers à l’Orient, mais qui s’y pressent, peuvent être aussi de pèlerinage aux lieux saints de l’Islam.
L’auteure Simone Lafleuriel Zakri est française, née dans un petit village de l’Allier proche de Vichy. Toute la région est agricole et connue en histoire de France pour avoir été le fief de la famille des Capétiens : des Bourbons. Au 13e siècle, et alors que l’Andalou Ibn Baytar s’installait en Orient, la région fut rattachée à la couronne de France et donna une lignée de rois… Après une année de préparation aux grandes Écoles à Clermont–Ferrand, Mme. Zakri obtient, à Paris, une licence-ès lettres et en sciences de l’éducation puis une maîtrise d’italien. Mariée avec un architecte-urbaniste français d’origine syrienne, elle enseigne quelques années jusqu’à la naissance de ses trois filles. Elle prépare alors un doctorat d’Histoire puis la famille s’installe à Alep, dans cette cité industrieuse du nord de la Syrie. Dès son arrivée en Syrie, elle collabore aux travaux de l’Institut d’Histoire des Sciences arabes d’Alep–IHAS-en Syrie.
Elle s’intéresse à l’histoire des sciences et très vite, elle a l’opportunité de seconder les chercheurs dans leurs travaux. Mais son intérêt pour les cultures du Monde arabe et monde arabo- musulman qu’elle aimait parcourir et où elle séjournait souvent, date de beaucoup plus longtemps. En effet et depuis des années, de Paris où la famille vit alors et bien avant son séjour syrien, elle donne à différentes publications et magazines de vulgarisation des articles sur les divers aspects des régions orientales de la Méditerranée mais aussi du Golfe Arabo-persique et des rives de l’Océan Indien, de leurs histoire, antique ou plus moderne, sociétés, paysages, etc…
Elle consacrera alors ses recherches et de nombreuses publications à l’histoire de l’agronomie arabe et sa relation à l’histoire de l‘agronomie en méditerranée ancienne et moderne mais encore à l’histoire de la pharmacologie et de la botanique appliquée à la médecine… Elle prépare alors un doctorat en Histoire du monde arabe dans le domaine de l’agronomie et la pharmacologie arabe. Elle présente à plusieurs reprises l’œuvre d’Ibn Baytar . A retour de la famille à Paris, et à partir de 1982, Simone Zakri va multiplier les voyages dans le monde arabe et publier de nombreux articles consacrés à l’archéologie, l’histoire, les sociétés de la région.